Philippe Martinez a dû s’y résoudre. A la demande écrite d’une majorité de fédérations de la CGT , le Comité confédéral national (CCN) de la centrale, composé des numéros un fédéraux et départementaux, a discuté de l’équipe dirigeante qui sera désignée au congrès de Clermont-Ferrand, fin mars.
Le sujet avait été relégué par la direction confédérale après 21 heures pour tenter de limiter la durée des débats et contenir la fronde contre Marie Buisson , la candidate que le secrétaire général sortant tente d’imposer pour lui succéder. Cela n’a pas fonctionné puisque la réunion s’est poursuivie jusqu’à 4 h 30 du matin.
Des échanges « violents »
Durant ces six heures de discussion, les échanges ont été « très violents », selon plusieurs sources. La soixantaine d’interventions se sont partagées entre ceux qui demandaient la construction d’une alternative de « rassemblement » à la candidature de Marie Buisson et ceux qui la défendaient, les deux camps se renvoyant la responsabilité de diviser l’organisation.
Avec parfois des interventions à contre-emploi, comme lorsque le numéro un des cheminots, le très communiste Laurent Brun, opposé à la désignation de Marie Buisson, a expliqué en substance que le temps du centralisme démocratique où le numéro un sortant choisissait le suivant était fini. Comme d’autres représentants de fédérations, le cheminot a insisté sur le refus de la direction de travailler collectivement sur la future équipe dirigeante.
Ultime manoeuvre
Du côté des partisans de Marie Buisson, les accusations de « lutte des places » ont fusé. Mais les interventions se sont surtout concentrées sur le fait qu’elle soit une femme. Maintenant « le pouvoir c’est nous », aurait même affirmé une responsable d’union départementale, tandis que Catherine Perret fustigeait « ceux qui, dans les territoires, terrorisent les femmes ». Cette proche de Philippe Martinez s’est aussi dite « fière » d’avoir signé la pétition féminine de soutien à Marie Buisson, dont l’auteure en sous-main n’est autre que la directrice de cabinet du numéro un, qui concentre les critiques.
A la toute fin de la réunion, Philippe Martinez a tenté une ultime manoeuvre. Depuis qu’il a annoncé son départ et présenté Marie Buisson en juin pour lui succéder, il s’est toujours refusé à soumettre la candidature de l’enseignante au vote du CCN avant le congrès. A la surprise de tous, sans que ce soit à l’ordre du jour, il a demandé dans une ultime intervention un vote sur la candidature de Marie Buisson, celle-ci faisant de même. Sans succès. Plusieurs voix se sont élevées pour refuser la méthode, dire qu’ils n’avaient pas de mandat de leur organisation ou simplement quitter la salle.
Crise ouverte
Le leader de la CGT a-t-il tenté de « tuer le match », selon l’expression d’un cégétiste ? Plus précisément, a-t-il pensé que l’enseignante réussirait l’épreuve bien que l’équilibre des forces en cas de vote sur la base des effectifs syndiqués des uns et des autres soit loin d’être acquis ? Ou bien s’agissait-il de rejeter sur ses opposants la responsabilité de la crise ouverte ?
Les fédérations vont devoir décider si elles demandent une ultime réunion du « parlement » de la CGT sur la future direction. A défaut, la succession se règlera au congrès. « S’il y a des candidats, qu’ils le disent », a demandé Catherine Perret au CCN, sans avoir de réponse.
Pour l’heure, outre Marie Buisson, seul l’ultra Olivier Mateu, de l’Union départementale des Bouches-du-Rhône, s’est déclaré, mais sa candidature n’est a priori pas recevable et, en tout état de cause, elle ne rassemblera pas.