L’emploi salarié du secteur privé a eu beau faire du surplace en fin d’année dernière, les entreprises restent décidées à recruter en ce début d’année, notamment des cadres. C’est ce qui ressort du baromètre trimestriel de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), sur les intentions d’embauches sur le premier trimestre. Et ce qui ne manque pas de surprendre son directeur général, Gilles Gateau.
« On s’attendait à un fléchissement compte tenu de ce que l’on sait des prévisions économiques sur le premier semestre. En fait, c’est le contraire. Non seulement il n’y a pas de fléchissement, mais la dynamique est encore plus forte », a-t-il mis en avant ce jeudi en détaillant les résultats de l’enquête.
Un plus haut depuis un an
Précisément, fort d’une meilleure capacité à anticiper leur activité, 14 % des entreprises prévoient d’embaucher au moins un cadre d’ici à fin mars, soit 2 points de pourcentage de plus qu’en septembre dernier, un plus haut depuis un an. Ces intentions progressent quels que soient les effectifs.
Autre indicateur qui conforte cet optimisme : le nombre d’offres d’emploi déposées sur Apec.fr ne cesse d’augmenter, malgré des variations selon les secteurs (+10 % sur un an dans l’industrie, par exemple, mais -9 % dans l’agroalimentaire).
Tout cela augure d’un millésime 2022 record pour les embauches de cadres (les résultats seront connus début avril), avec une dizaine de métiers très porteurs : informaticien, comptable, ingénieur industrialisation ou encore – l’organe créant la fonction – chargé de recrutement.
Des délais plus longs pour trouver le bon candidat
Comment expliquer pareille tendance malgré une croissance atone ? Gilles Gateau avance une raison. A ses yeux, les entreprises n’ont pas intérêt à mettre sur pause leurs projets d’embauches compte tenu des délais plus longs pour trouver le bon candidat, les talents se faisant plus rares et plus chers. « Le délai moyen de recrutement d’un cadre est de 8 à 11 semaines, soit près de trois mois », a-t-il souligné.
Surmonter les difficultés de recrutement apparaît d’ailleurs comme le défi numéro un, puisque six entreprises sur dix en ont éprouvé en 2022. Au point qu’une sur quatre a dû renoncer pour au moins un de ses projets faute de candidat. Les tensions resteront à un haut niveau cette année, malgré une légère détente anticipée sur le premier trimestre, selon l’Apec.
Le stéréotype de l’âge
Face à cette situation, les employeurs changent leurs pratiques, en diversifiant les sources de candidats, en s’ouvrant à d’autres compétences que celles recherchées, en augmentant les rémunérations proposées ou encore en assouplissant les conditions d’expérience souhaitées.
Ce dernier critère semble plus profiter aux jeunes. L’embauche des cadres seniors reste un point noir alors que, réforme des retraites oblige , le sujet n’a jamais été autant débattu. Si les cadres dans leur ensemble jouissent d’un taux de chômage de 4,1 %, donc du plein-emploi, celui des plus de 55 ans est supérieur de 2,7 points. Environ 100.000 personnes dans cette tranche d’âge recherchant un emploi cadre sont inscrites à Pôle emploi, dont plus du tiers depuis plus d’un an et 20 % depuis plus de deux ans.
« L’âge reste un stéréotype pour les recruteurs, synonyme de moindre capacité d’adaptation, de rémunération plus élevée ou de difficultés à utiliser les outils numériques », déplore la directrice générale adjointe de l’Apec, Laetitia Niaudeau. Les sondages de l’association montrent pourtant que les cadres seniors sont prêts à diminuer leur demande pour ce qui est de la rémunération ou du type de contrat. Et qu’ils restent en moyenne plus longtemps à leur poste qu’un jeune, plus tenté d’aller voir ailleurs.
Le projet d’index senior est-il à même de faire bouger les choses ? Association paritaire, l’Apec ne peut pas prendre position sur un sujet apprécié différemment par les syndicats ou le patronat. « Cela peut être un moyen d’accélérer la prise de conscience des entreprises avec des données factuelles liées au recrutement et au maintien dans l’emploi », avance néanmoins Laetitia Niaudeau, qui met aussi en avant les échanges de bonnes pratiques.