Hydrogène “vert” issu du nucléaire : pourquoi la France a pris l’avantage

La Commission européenne a proposé de considérer comme "vert" l’hydrogène produit à partir d’un mix énergétique comportant du nucléaire. Une décision dont se réjouit Paris, qui soutient le projet de longue date face à l’Allemagne et l’Espagne.


C’est une première petite victoire pour Paris, face à la ténacité de Berlin et Madrid. Lundi 13 février, la Commission européenne a publié deux textes définissant les conditions dans lesquelles l’hydrogène peut être considéré comme “vert”. Entre les lignes, ces textes font un pas dans le sens de la France et ce qu’elle cherche à obtenir. En effet, depuis des mois, Paris se bat pour que l’hydrogène bas carbone, produit à partir d’électricité nucléaire, soit placé à égalité avec l’hydrogène renouvelable, issu d’électricité solaire, éolienne ou hydraulique. La Commission vient donc d’intégrer cette définition de l’hydrogène vert dans ces propositions de textes, mais tout est loin d’être gagné. L’Allemagne et l’Espagne militent, eux, pour une définition plus restrictive de l’hydrogène “vert”.

Les critères proposés par Bruxelles, qui seront soumis pour approbation aux Etats membres et aux eurodéputés, s’inscrivent dans le cadre d’une législation européenne en cours de négociation qui fixe aux Vingt-Sept des objectifs ambitieux d’hydrogène “renouvelable” pour l’industrie et les transports d’ici 2030. Jusqu’ici utilisé essentiellement dans la chimie ou le raffinage, l’hydrogène pourrait contribuer à décarboner certains secteurs industriels, assurer le stockage de l’électricité ou alimenter le secteur des transports.

L’hydrogène “vert” selon plusieurs critères

La Commission définit d’abord comme “vert” l’hydrogène fabriqué à partir d’une source d’électricité renouvelable “nouvelle”, c’est-à-dire une infrastructure supplémentaire par rapport au parc actuel, pour encourager le déploiement de nouvelles énergies renouvelables sans accaparer les infrastructures existantes. Autre cas de figure : l’hydrogène sera défini comme “vert” s’il provient d’un réseau électrique où la part d’énergies renouvelables a atteint au moins 90 % l’année précédente.

De même, il sera “vert” si la consommation électrique mobilisée équivaut à une nouvelle infrastructure renouvelable, qui fonctionne précisément dans les mêmes heures et dans la zone où cet hydrogène est fabriqué. Une période de transition est prévue pour les sites de production d’hydrogène établis avant 2028.

Enfin, l’hydrogène sera considéré “vert” si le réseau électrique utilisé est largement décarboné, avec des émissions carbone liées à la production d’électricité ne dépassant pas 18 grammes équivalent CO2/mégajoule (ce critère une fois atteint, il est considéré comme valable pendant cinq ans). Un niveau auquel satisfait actuellement la Suède et dont la France est proche (19,6 g en 2020). Il faudra cependant remplir d’autres conditions : outre les critères géographiques et horaires, le fabricant d’hydrogène sera tenu de conclure des “contrats d’achats” (à terme) auprès de fournisseurs d’électricité recourant à des énergies renouvelables (éolien, solaire, hydraulique).

Cette disposition ouvre la voie à de l’hydrogène produit à partir d’un mix basé sur l’électricité nucléaire, ce que réclame avec véhémence la France dans le cadre de la législation sur les renouvelables, jugeant “absurde” de ne pas pouvoir recourir à l’atome “bas carbone” pour atteindre ses objectifs d’hydrogène vert. Si la France veut à tout prix que l’hydrogène bas carbone soit reconnu comme vert dans la directive “énergie renouvelable”, c’est parce qu’elle impose des objectifs très élevés de renouvelables (éolien, solaire, hydroélectrique) pour l’industrie, à 42 % en 2030 et 60 % en 2035. Sans cet accord, la France aura beaucoup de mal à atteindre les objectifs fixés par l’Europe.

Pourquoi Madrid et Berlin y sont opposés ?

Dans les colonnes du journal Les Echos, le cabinet de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher se réjouit des nouveaux textes. “Les textes corrigent une absurdité : prenez un Etat membre qui est déjà quasi décarboné [comme la France, NDLR], quand il va déployer l’hydrogène sur son sol, il n’aura pas besoin de construire des renouvelables en plus. Il pourra se prévaloir des renouvelables dont il dispose déjà pour atteindre ses objectifs européens.”

Mais Berlin et Madrid y sont formellement opposés et ont renouvelé leur méfiance lundi lors de la publication du texte. Pour eux, impossible de mettre sur un pied d’égalité l’hydrogène fabriqué à partir d’énergies bas carbone et l’hydrogène provenant d’énergies renouvelables. “Nous partons du principe que les carburants bas carbone ne peuvent être équivalents à ceux issus de sources renouvelables”, a insisté le ministère espagnol de la Transition écologique. Des ONG environnementales s’inquiètent, elles, que la production d’hydrogène vert entame fortement les capacités des énergies renouvelables, incitant à les remplacer par ailleurs par un recours accru au gaz et au charbon.

A l’inverse, la fédération professionnelle Hydrogen Europe a salué lundi “un coup de fouet au marché de l’hydrogène renouvelable” face aux vastes subventions des Etats-Unis dans ce secteur, tout en prévenant que “ces règles strictes rendront inévitablement les projets d’hydrogène vert plus coûteux et limiteront son potentiel d’expansion”.


myspotvip

Lorsque vous vous inscrivez et vous recevrez les meilleures offres de MySpotVip et vous recevrez également un guide d'ÉPARGNE.
Préparez-vous pour les offres VIP les plus exclusives et uniques!