Le lieu de vie affecte-t-il le pouvoir d’achat des ménages ? Est-il un facteur d’inégalités ? Alors que ces questions ont été au coeur du mouvement des « gilets jaunes » à l’automne 2018, France Stratégie a cherché à donner une photo de la réalité sur le terrain dans deux études présentées ce jeudi et réalisées à partir des données de l’enquête Budget de famille en 2017 de l’lnsee.
Pour analyser la situation, l’organisme d’expertise placé auprès de Matignon s’est concentré sur la notion de « reste à dépenser », soit ce qui reste une fois réglées les dépenses obligatoires que sont le logement (limité à la résidence principale), le transport quotidien et l’alimentation. Un bon indicateur pour mesurer l’aisance financière des ménages. Pour mémoire, ces trois postes absorbent en moyenne plus de la moitié des ressources des ménages français, avec de fortes disparités selon les catégories sociales.
Un premier résultat inattendu
Des travaux de France Stratégie ressortent un premier résultat, inattendu : pour un profil de ménage présentant les mêmes critères d’âge, de revenus et de composition familiale, le niveau global des dépenses cumulées en alimentation, transport et logement ne dépend pas du lieu où on vit. Sauf à Paris où elles sont nettement plus élevées. Dit autrement, en dehors de la capitale, on dépense peu ou prou la même chose que l’on habite Bordeaux ou une petite commune rurale. De même, cela ne coûte pas plus cher de résider à la périphérie d’une zone d’emploi plutôt qu’au centre.
En revanche, cela crée un équilibre différent notamment entre les dépenses dédiées au logement et celles consacrées au transport. En 2017, hormis en région parisienne, il n’était pas plus cher pour un ménage de résider à la périphérie d’une zone d’emploi qu’en son centre, car « les dépenses de transport et de logement tendaient à se compenser », indique l’étude. Depuis, le retour de l’inflation et la flambée des prix de l’énergie en 2022 ont sans doute changé la donne.
808 euros dans le Nord, 1.165 euros en région parisienne
Second enseignement : le « reste à dépenser » varie selon les territoires non pas en raison du niveau des dépenses, mais des différences de revenus. Il est particulièrement faible pour ceux qui habitent au centre des zones d’emploi ou dans les communes qui en sont les plus éloignées, selon France Stratégie.
Calculé par unité de consommation, il est estimé à 938 euros mensuels à l’Est, à 830 euros en Méditerranée et à 808 euros dans le Nord où il est le plus bas. En revanche, en région parisienne, il atteint 1.165 euros à la fois parce que les emplois y sont plus abondants et surtout mieux rémunérés, mais aussi parce que les ménages consentent à des sacrifices importants sur leurs conditions de logement, la surface notamment.
« Depuis 2008, l’emploi s’est surtout développé dans les grandes métropoles, rappelle Alain Trannoy, l’un des auteurs. En revanche, les activités ont décliné dans les territoires ruraux. Ce qui a pu nourrir une profonde insatisfaction en termes d’aisance financière. » « Comparer les territoires n’a pas beaucoup de sens, nuance Pierre-Henri Bono, coauteur de l’étude. De l’un à l’autre, la composition des ménages est très différente. »