Après plus de huit heures de débats, les 14 députés et sénateurs de la commission mixte paritaire (CMP) sur les retraites ont fini par trouver un accord ce mercredi en fin d’après-midi sur une version finale du projet de loi réformant les retraites. Le report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans a été confirmé, même si les parlementaires ont acté d’une « clause de revoyure » en 2027, avec un débat parlementaire.
Sur plusieurs autres points, la copie des élus est sensiblement différente de celle remise par le gouvernement en janvier. Tour d’horizon des modifications clés :
· Des conditions élargies de départ anticipé pour « carrières longues »
C’est l’une des principales concessions faites aux députés Les Républicains (LR) pour les convaincre de voter la réforme. La CMP a acté l’élargissement du dispositif carrières longues permettant un départ anticipé en retraite pour ceux qui ont commencé à travailler tôt.
Aujourd’hui, il faut avoir commencé à travailler avant 20 ans pour cesser son activité deux, voire quatre ans avant l’âge légal. Députés et sénateurs se sont entendus pour permettre à ceux qui ont travaillé avant 21 ans de partir à 63 ans.
Par ailleurs, la CMP a convenu que les bénéficiaires du dispositif ne seraient plus obligés d’avoir cotisé 44 années minimum mais 43 années. De quoi permettre à ceux qui ont commencé à travailler à 17 ans de partir à 60 ans par exemple. Cette deuxième concession, boudée par le Sénat mais remise sur la table par le patron des députés LR, Olivier Marleix, n’empêchera pas certains de devoir cotiser jusqu’à 44 ans.
Au total, ces assouplissements coûteront 700 millions d’euros.
· Un coup de pouce pour la pension de certaines mères
Les députés ont souscrit à l’idée, adoptée à l’unanimité par les sénateurs , de créer une majoration de pension pour certaines mères de famille. Cette surcote, pouvant augmenter la pension des intéressées jusqu’à 5 % sera réservée aux femmes qui, à 63 ans, ont atteint la durée de cotisation nécessaire pour partir à taux plein et ont acquis au moins un trimestre au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation d’enfants. Les bénéficiaires de la surcote devront toujours travailler jusqu’à 64 ans.
L’idée de cette disposition, valable pour les fonctionnaires comme les salariées du secteur privé, est d’adoucir le choc de la réforme pour les femmes qui vont perdre tout ou partie du bénéfice des trimestres acquis au titre de la maternité avec le report de l’âge légal. Cette mesure doit coûter près de 250 millions d’euros à horizon 2030.
· Une majoration de pension pour les familles nombreuses des professions libérales
Députés et sénateurs se sont entendus pour permettre aux professionnels libéraux et aux avocats ayant trois enfants et plus de bénéficier de la bonification de pension de 10 % déjà prévue pour les bénéficiaires du régime général.
· Un index senior à partir de 300 salariés
Les députés voulaient baisser la jauge à 50 salariés, les sénateurs l’ont ramenée à 300, la CMP s’en est tenue là : la cible de l’index seniors sera conforme à celle voulue initialement par l’exécutif. Sur le modèle de l’index égalité homme-femme, les entreprises concernées devront publier une fois par an, sous peine d’amende allant jusqu’à 1 % de leur chiffre d’affaires, une liste d’indicateurs relatifs à l’emploi des seniors et aux actions favorisant leur maintien dans les effectifs.
Pris après concertation avec les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel, un décret définira ces indicateurs, leur méthode de calcul et les modalités de publication, le tout pouvant être amendé par accord de branche. Si son index ne s’améliore pas après trois exercices de suite, l’entreprise devra définir un plan d’action après négociation avec les représentants du personnel, mais la partie de l’amendement du député Sylvain Maillard (Renaissance) prévoyant une sanction n’a pas été retenue.
· Le CDI senior maintenu mais testé d’abord
Doutant de son efficacité et critiquant son coût (800 millions selon lui), le gouvernement et la majorité présidentielle ont pas mal freiné le projet de CDI senior pour l’embauche des plus de 60 ans voulu par les sénateurs LR. D’abord, parce que seuls les chômeurs de plus d’un an seront éligibles. Ensuite parce qu’avant de trouver durablement sa place dans le Code du travail, ce nouveau contrat aidé fera l’objet d’une expérimentation de trois ans à compter du 1er septembre avec, au préalable, proposition aux partenaires sociaux d’en définir les contours via une négociation nationale interprofessionnelle.
Si cette négociation n’est pas enclenchée ou n’aboutit pas, alors la création de ce contrat est renvoyée à un accord de branche – si le Conseil constitutionnel n’y trouve rien à redire. Cette négociation de branche doit arrêter les modalités permettant d’y mettre un terme lorsque le salarié a atteint son taux plein (donc sans que l’employeur ne soit tenu par la limite des 70 ans) et, pour l’inciter à le conserver jusque-là, les contreparties en termes d’indemnités de fin de carrière. En cas d’accord, le CDI senior sera exonéré de cotisations familiales la première année.
Enfin, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation.
· De nouvelles recettes pour financer le régime
La CMP a acté le principe d’un relèvement de la contribution sur les indemnités de ruptures conventionnelles . De quoi rapporter 300 millions d’euros à horizon 2030. Reste qu’il faut encore financer l’élargissement du dispositif carrières longues (avec le plancher de cotisations à 43 ans). Pour ce faire, le gouvernement devrait mettre en place un tour de passe-passe rapportant, autour de 700 millions d’euros au système de retraite, selon plusieurs sources.
Ce « swap » qui n’est pas formalisé par amendement dans le texte de la CMP de mercredi car il relève du réglementaire consiste à augmenter les cotisations vieillesse des entreprises d’un côté et à baisser le niveau de cotisations alimentant la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la Sécurité sociale (AT-MP) de l’autre. Le gouvernement avait déjà recouru à cet artifice pour financer le financement de l’augmentation du minimum contributif pour les nouveaux et anciens retraités.
· Des mesures de lutte contre la fraude
Les parlementaires se sont aussi entendus pour entériner des mesures de lutte contre la fraude, chères aux élus de droite. Pour bénéficier du minimum vieillesse, il faudra avoir résidé au moins 9 mois en France (et non 6). Par ailleurs, le versement des retraites à l’étranger sera contrôlé grâce à l’usage de la biométrie. Autant de dispositions censées rapporter 200 millions d’euros.
· Un départ en retraite pour incapacité à 60 ans
Les sénateurs ont eu gain de cause sur les départs en retraite anticipée pour les personnes victimes d’accidents du travail ou de maladie professionnelle. Comme ils le souhaitaient, ces victimes d’incapacité permanente pourront partir à 60 ans et non 62 comme prévu par le gouvernement.
Le rapporteur du texte au Sénat, René-Paul Savary souhaitait par ailleurs ouvrir la retraite progressive à partir de 60 ans (et non 62) mais la mesure n’avait pas été retenue par le gouvernement au Sénat. La perspective de voir des fonctionnaires s’engouffrer dans cette brèche a contribué à convaincre les membres de la CMP de laisser de côté cet assouplissement.
· Des coups de pouce pour les pompiers et les sportifs
La CMP a donné son feu vert à l’attribution de trois trimestres aux sapeurs pompiers volontaires, au bout de dix ans d’engagement. Cette bonification défendue au Sénat doit être complétée par l’attribution d’un trimestre supplémentaire tous les cinq ans.
Arguant que la pratique d’un sport à haut niveau peut décaler l’entrée dans la vie professionnelle, les parlementaires ont décidé de porter à 32 contre 16 auparavant le nombre maximal de trimestres pouvant être validés pour les athlètes.
· Des conditions de rachats de trimestres facilitées pour les étudiants et les stagiaires
Tandis qu’il est aujourd’hui possible de racheter des trimestres à au titre des stages, au maximum deux ans après la fin de ces périodes, les parlementaires ont acté en CMP que cette facilité serait offerte jusqu’à 25 ans au moins. Par ailleurs, les parlementaires sont convenus d’assouplir les conditions d’accès au rachat de trimestre à prix réduit pour les études en l’autorisant jusqu’à un âge défini par décret qui ne pourra pas être inférieur à 30 ans.