Jusqu’au bout, les syndicats auront maintenu la pression sur les députés. A deux heures du démarrage de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de réforme des retraites issu de la CMP , sous un grand soleil, tous leurs numéros un se sont retrouvés face au palais Bourbon pour demander aux parlementaires « solennellement de voter contre » le texte. Pour les suites qu’ils entendaient donner à leur mobilisation après le fléchissement constaté pour leur huitième journée d’action , mercredi, chacun renvoyait alors à plus tard sans plus de précision.
Les dirigeants syndicaux se sont finalement retrouvés en fin de journée au siège de la CGT pour en discuter. Au départ, il ne fallait pas ébruiter ce rendez-vous. Car un vote des députés, même ric-rac, aurait compliqué les discussions sur les modalités de poursuite du mouvement. L’utilisation du 49.3 a rebattu les cartes. Tant et si bien que la décision a en définitive été prise de tenir une conférence de presse collective, la deuxième de la journée !
Deux conférences de presse en un jour
Une nouvelle date de manifestation, la neuvième, a été annoncée à cette occasion pour « continuer d’exiger le retrait » d’une réforme « brutale, injuste et injustifiée ». Ce sera jeudi prochain, le 23 mars. Les organisations de salariés appellent aussi ce week-end à « des rassemblements de proximité ».
Pour franchir un nouveau seuil de mobilisation ? C’est en tout cas l’espoir qui est caressé. « La contestation est extrêmement forte, on a déjà énormément de réactions de la part des équipes syndicales », affirmait Laurent Berger, peu après l’annonce par Elisabeth Borne du 49.3.
Le raisonnement de l’intersyndicale est le suivant : les sondages montrent un rejet massif de la réforme par l’opinion publique et encore plus par les actifs ; ils font état également d’un soutien majeur à la contestation ; mais les Français, en tout cas jusqu’à présent, croient malgré tout massivement que la réforme va entrer en vigueur. C’est cela qui bride l’affluence aux défilés, alors que la colère est là, pensent les syndicats.
Le pari est que l’utilisation du 49.3 fera sauter cet obstacle (même si concrètement il conduit à l’adoption définitive du texte, sauf motion de censure peu probable).
L’échec du président de la République
L’utilisation de cet article de la Constitution serait un « vice démocratique », avait déjà averti Laurent Berger il y a quelques jours. Ce serait une « brèche dans la démocratie » sur la « mère des réformes », dénonçait Philippe Martinez devant l’Assemblée. Mais pour les syndicats, cette décision est aussi une défaite pour l’exécutif. « Notre appel aux parlementaires à ne pas voter la réforme a été entendu », se félicite Frédéric Souillot, le secrétaire général de Force ouvrière.
« S’il n’y avait pas eu de 49.3, il y aurait eu un vote contre », assure François Hommeril, le président de la CFE-CGC. Et ce grâce au « mouvement social exemplaire qui démontre que le président de la République et son gouvernement sont en échec devant l’Assemblée nationale », insiste le communiqué commun qui souligne le « soutien de la population ».
« Depuis plus d’une semaine, au gouvernement, au sein du groupe parlementaire [Renaissance] on n’arrête pas de dire qu’on veut aller au vote, c’est la démonstration qu’il n’y a pas de majorité à l’Assemblée nationale pour voter la réforme », estime aussi Laurent Berger. C’est aussi la démonstration qu’« on ne fait pas des compromis politiques quand on veut transformer la vie des travailleurs, on fait des compromis sociaux ».
La déclaration commune est en revanche silencieuse sur une arme évoquée déjà par plusieurs dirigeants syndicaux précédemment : celle du référendum. « Ce n’est pas encore le moment et de surcroît, c’est dans la main d’abord des parlementaires », souligne un syndicaliste. Or de ce côté-là, l’actualité pour les prochains jours, ce sont les motions de censure.