Retraites : le parcours chaotique d’une réforme très contestée

Réformer les retraites s'est transformé en véritable parcours du combattant pour Emmanuel Macron et son gouvernement emmené par Elisabeth Borne.


French President and liberal party La Republique en Marche (LREM) candidate for re-election Emmanuel Macron speaks during his first campaign meeting at the Paris La Defense Arena in Nanterre, on the outskirts of Paris, on April 2, 2022, ahead of the French presidential election first round next April 10. (Photo by Ludovic MARIN / AFP)

Dès la présidentielle, l’an dernier, Emmanuel Macron avait promis de reporter l’âge légal de départ à la retraite à 64 ou 65 ans. Le chef de l’Etat et son gouvernement, emmené par Elisabeth Borne, ont ensuite tergiversé sur la méthode et les messages envoyés à l’opinion publique hostile à la réforme. L’exécutif a aussi dû faire face au front uni des syndicats, la stratégie d’obstruction parlementaire de la gauche et les divisions inattendues des députés Républicains.

Mars-avril 2022 – le marqueur de la campagne présidentielle

Entré tardivement en campagne, Emmanuel Macron, jette un pavé dans la mare en mars 2022 en indiquant qu’il compte reporter l’âge de départ en retraite de 62 à 65 ans en neuf ans. Exit donc la grande réforme « systémique » et son régime universel qui avaient occupé une grande partie du premier quinquennat et avaient été finalement abandonnés en raison de la crise du Covid.

En revanche, le président-candidat reprend l’idée de faire un geste pour les petites retraites. Dans l’entre-deux-tours, confronté à la candidate du RN, Marine Le Pen, Emmanuel Macron adoucit sa proposition. Il ouvre la porte à la retraite à 64 ans et se dit prêt à discuter du rythme de sa réforme qui restera comme l’un des principaux marqueurs de sa campagne.

Septembre 2022 – La tentation du passage en force dans le budget de la Sécurité sociale

Reconduit à l’Elysée, Emmanuel Macron échoue à avoir une majorité législative à l’Assemblée. En juillet, la Première ministre, Elisabeth Borne, défend une « réforme indispensable ». Pour autant, elle ne précise pas si la retraite pourrait être décalée à 64 ou 65 ans et ne donne pas de calendrier.

Après l’été, et les projections du Conseil d’orientation des retraites mettant en lumière un déficit du système, le sujet revient sur la table. L’exécutif justifie son projet de réforme par la nécessité d’« investissements massifs » à réaliser pour la transition climatique, la santé, l’éducation. Emmanuel Macron est très tenté de reporter l’âge légal via un amendement au budget de la Sécurité sociale et le recours à l’article 49.3 de la Constitution. L’idée fait toutefois des remous dans la majorité. François Bayrou monte au créneau pour s’y opposer.

Fin septembre, le gouvernement annonce le lancement de concertations avec les syndicats, à la satisfaction de ces derniers .

Octobre 2022 – Les syndicats consultés mais toujours braqués

Le 5 octobre, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, et ses conseillers commencent à recevoir les syndicats sans laisser filtrer le projet gouvernemental, censé être dévoilé à la mi-décembre. Le sujet sensible de l’équilibre du régime des retraites, et donc du décalage de l’âge de départ en retraite et de l’augmentation de la durée de cotisations, est renvoyé à la fin de la concertation.

Les discussions portent d’abord sur la pénibilité et sur les mesures dites de justice sociale. Tout en discutant des points techniques, les syndicats font bloc contre l’idée d’un report de l’âge.

Arguant de la tenue d’élections professionnelles dans la fonction publique et de changements à la tête des partis politiques, Emmanuel Macron annonce finalement un report de la présentation de son projet au 10 janvier.

Janvier 2023 – Le cap des 64 ans fixéElisabeth Borne entre dans l’arène à cette date en détaillant son projet devant la presse. 

C’est enfin acté : l’âge légal doit être reporté de 62 à 64 ans, et la durée de cotisations nécessaire pour partir à taux plein va augmenter plus vite que prévu. Au fil des semaines, le gouvernement a renoncé à justifier sa réforme par la nécessité de faire des investissements massifs. Désormais, il y va de la « préservation du système de retraite par répartition » menacé par les déficits. « Chaque euro cotisé servira à financer nos retraites, rien d’autre », assure l’exécutif.

Pour tenter de convaincre des Français qu’elle sait hostiles à sa réforme, la Première ministre martèle qu’elle est « juste » et se veut attentive à amortir le choc. Avant même la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, elle fait savoir que l’augmentation de la retraite minimum ne concernera pas seulement les nouveaux retraités mais aussi les retraités actuels.

Dans la foulée, les huit grandes organisations syndicales appellent à une première manifestation le 19 janvier. Ils marquent tout de suite un grand coup en mobilisant un peu plus de 1 million de personnes, selon la police. Dans les semaines qui suivent, la mobilisation prend de l’ampleur et les sondages se succèdent pour démontrer l’hostilité très marquée des Français à la réforme.

Février 2023 ​- Le gouvernement forcé de lâcher du lest

Alors que le texte commence à être discuté à l’Assemblée à la fin janvier, le groupe LR, censé soutenir l’idée d’une réforme des retraites, affiche rapidement ses divisions. Plusieurs de ses membres critiquent une réforme injuste selon eux et menacent de ne pas la voter.

Pris à partie par le député Aurélien Pradié, sur la question très technique du dispositif de départ en retraite anticipée pour les Français qui ont commencé à travailler tôt, le gouvernement consent à un premier élargissement du dispositif début février. Puis il est forcé de prendre un nouvel engagement d’élargissement de ce système.

Le débat dans l’hémicycle est chaotique. Plus de 20.000 amendements ont été déposés, les rappels aux règlements, interpellations et interruptions de séance se succèdent. Le gouvernement se voit reprocher de pénaliser les retraites des femmes et de mentir sur la retraite minimum à 1.200 euros.

En dépit des réticences au sein de la gauche, La France Insoumise mène jusqu’au bout une stratégie d’opposition systématique. Les débats s’arrêtent le 17 février, dans le chaos, dans la nuit sans que le texte ait été complètement examiné. Les députés n’ont même pas voté sur l’article 7 reportant l’âge de départ en retraite.

Mars 2023 – Le Sénat imprime sa marque

Le gouvernement sait qu’il peut compter sur la majorité de droite au Sénat pour le soutenir. Celle-ci a voté plusieurs fois le principe d’une réforme ces dernières années. Les sénateurs entendent cependant imprimer leur marque sur le texte et négocient des dispositions en faveur des femmes, notamment une surcote pour la pension des mères de famille.

Dans le même temps, les syndicats continuent à mobiliser, avec une nouvelle manifestation massive le 7 mars.

En dépit d’assurances données par les socialistes en début de discussion, la gauche au Sénat joue aussi la montre. La tension, moins forte qu’à l’Assemblée est tout de même palpable. L’exécutif dégaine le 10 mars le vote bloqué ou vote unique décrit par la gauche comme « un 49-3 sénatorial ».

La discussion se poursuit au pas de charge le 11 mars, alors que les syndicats échouent à faire le plein lors d’une nouvelle journée de mobilisation. Finalement, le texte est voté dans la nuit à 195 voix pour contre 112.

15 mars 2023 – L’accord en CMP

Trois jours après le vote de la réforme au Sénat, députés et sénateurs se retrouvent en commission mixte paritaire (CMP) pour tenter de dégager un accord sur la réforme. Un accord ne fait guère de doute mais les débats, à huis clos, s’étirent sur plus de 8 heures.

Le gouvernement prévoit un nouveau tour de passe-passe entre la branche vieillesse et la branche accidents du travail pour boucler le financement de la réforme, à hauteur de 700 millions d’euros. Cette version finale est votée au Sénat.


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