Macron se donne 100 jours pour relancer son quinquennat et « retrouver l’élan de la nation »

Le chef de l'Etat s'est exprimé dans une allocution afin de tenter de déminer le conflit social latent déclenché par la réforme des retraites. Une intervention de treize minutes qui doit ouvrir une méthode déjà utilisée : celle des concertations partout en France autour de trois chantiers pour tenter d'apaiser les colères. Il se donne 100 jours pour relancer son quinquennat.


Moins d’un mois après sa dernière prise de parole, lors d’une interview au journal de 13 heures, le 22 mars dernier, Emmanuel Macron s’est adressé, cette fois-ci directement aux Français à 20 heures. Tentant depuis plusieurs semaines de redonner une dynamique à son quinquennat plombé par le rejet de la rue de la réforme des retraites adoptée par 49.3, le président de la République s’est donné « cent jours » pour agir « au service de la France ». Depuis l’Elysée, il est revenu sur la réforme des retraites, la jugeant « nécessaire », tout en disant « regretter » qu’elle n’ait pas été « acceptée ».

« Elle constitue un effort, accompagné de mesures de justice », a soutenu Emmanuel Macron, balayant ainsi toutes possibilités de revenir sur le projet.

Le chef de l’Etat a assuré entendre la « colère » des Français, sur les retraites mais aussi les « prix qui montent ». « Personne ne peut rester sourd à cette revendication de justice sociale et de rénovation de notre vie démocratique », a-t-il affirmé, alors que le passage en force de l’exécutif avec le 49.3 a attisé le malaise. Au moment même de cette allocution sans contradicteurs, des concerts de casseroles rassemblaient des milliers de personnes devant de nombreuses mairies et préfectures.

Le président, déterminé à reprendre l’initiative, a surtout esquissé une « feuille de route » que sa Première ministre détaillera « la semaine prochaine ». Alors qu’elle apparaissait menacée, Elisabeth Borne obtient ainsi un sursis de trois mois, et aucun remaniement n’est prévu dans l’immédiat. Pendant cette période, il a fixé trois chantiers. Objectif : « retrouver l’élan de la nation ».

Le premier chantier est celui du travail. Le chef de l’Etat entend construire avec les partenaires sociaux « un nouveau pacte de la vie au travail » pour « améliorer les revenus des salariés » ou combattre « l’usure professionnelle. Niveau de rémunération, intéressement des salariés, progression des carrières, emploi des seniors, réforme du lycée professionnel, « ramener vers le travail » les bénéficiaires du RSA, dévoiler « d’ici à l’été » la planification écologique, là encore Emmanuel Macron donne rendez-vous aux partenaires sociaux pour entamer de nouvelles négociations. Celles-ci démarreront dès ce mardi uniquement avec les patrons puisque les syndicats ont décliné l’invitation en réaction à la loi sur les retraites

« Nous sommes prêts à négocier sur certains des sujets évoqués par Emmanuel Macron, mais pas en 100 jours. Le dialogue social ça prend du temps », a d’ores et déjà réagi sur Twitter le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux.

En outre, la rapidité de la promulgation a été dénoncée par les opposants à la réforme. « Jusqu’au bout le mépris », a jugé le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui a mis en garde le chef de l’Etat contre un « ressentiment » encore vif. « Rien de concret », a-t-il ajouté tout en concédant que le syndicat réformiste irait discuter « un jour ou l’autre », après un délai de « décence ».

« La porte sera toujours ouverte », a lancé Emmanuel Macron, promettant des négociations « sans aucune limite » ni « aucun tabou ».

Autre chantier évoqué, celui de « la justice et de l’ordre républicain et démocratique.»  « Des annonces fortes » seront faites en mai contre la délinquance et les fraudes sociales et fiscales. Emmanuel Macron a aussi promis de « renforcer le contrôle de l’immigration illégale », semblant relancer ce projet qui semblait mis sur pause. Il a par ailleurs promis le recrutement de 10.000 nouveaux magistrats et d’agents ou encore l’ouverture de 200 brigades de gendarmerie.

Enfin, le chef de l’Etat veut ouvrir un nouveau chapitre sur « le progrès ». Sont visés ici principalement les emplois de la fonction publique, dans l’éducation nationale qui doit « renouer avec l’ambition d’être l’une des meilleures d’Europe » et la santé avec l’engagement de « désengorger » tous les services d’urgence d’ici fin 2024.

Là encore se pose la question des interlocuteurs pour négocier. Comment accélérer sans majorité absolue à l’Assemblée nationale ? En mars, Emmanuel Macron avait confié à sa Première ministre Elisabeth Borne la mission d’élargir la majorité relative, mais la cheffe du gouvernement n’y est pas parvenue. Pour autant, elle devrait être confortée à Matignon.

Une méthode pour éteindre la colère

Reste à savoir si la méthode, lançant de nouvelles concertations avec diverses parties prenantes partout en France « dans les territoires », et qui rappelle l’idée du « grand débat national » choisi pour calmer la fronde des gilets jaunes en 2018, suffira à convaincre les oppositions. Le chef de l’Etat promet de faire le bilan de la méthode « le 14 juillet » prochain.

Dans l’immédiat, le prochain test de la rue aura lieu le 1er mai, une fête du Travail particulière. Ce sera la treizième journée de mobilisation après trois mois de conflit social.

Sans surprise, les oppositions ont critiqué le discours présidentiel. A l’extrême droite, Marine Le Pen a dénoncé une « pratique déconnectée, solitaire et obtuse du pouvoir ». « Complètement hors de la réalité », a aussi estimé à gauche Jean-Luc Mélenchon, tandis que le patron du parti Les Républicains Eric Ciotti a déploré un « catalogue de vœux pieux ».


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