Le coût de l’orthodontie dans le viseur de l’Assurance-maladie

Le gouvernement aimerait limiter les sommes restant à la charge des familles soucieuses de redresser les dents de leurs enfants. Les assureurs expliquent qu'un système de prise en charge complète par la Sécurité sociale et les complémentaires ferait déraper le coût des assurances santé pour les patients.


Les factures réglées par les Français aux orthodontistes sont dans le viseur du gouvernement et de la Sécurité sociale. Selon nos informations, le ministre de la Santé, François Braun, a souligné mardi devant un panel de professionnels qu’il comptait plancher avec l’Assurance-maladie sur la question des frais d’orthodontie que les patients sont obligés de payer de leur poche.

Cette ambition a d’ailleurs été déjà confirmée aux syndicats de chirurgiens- dentistes qui viennent d’entamer des négociations avec l’Assurance-maladie pour renégocier d’ici à l’été la convention qui les lie à la Sécurité sociale.

« Hors de contrôle »

« Pour lutter contre le renoncement aux soins, je souhaiterais que vous puissiez engager des discussions permettant de limiter les restes à charge pour les familles dans le domaine de l’orthodontie », écrit le ministre, François Braun, dans la lettre de cadrage de ces discussions envoyée à la fin du mois de mars à l’Assurance-maladie.

« On considère que le système tel qu’il existe est hors de contrôle en matière de reste à charge pour les familles », explicite Thomas Fatôme, le directeur général de l’Assurance-maladie. Dans un rapport de 2022, celle-ci évaluait le reste à charge moyen en orthodontie à environ 167 euros… pour un semestre. Sachant que les enfants et adolescents sont souvent suivis plusieurs semestres pour redresser leurs dents.

Les prix du passage chez l’orthodontiste ont aussi eu tendance à déraper ces dernières années, avec un tarif moyen du semestre en hausse de 10 % depuis 2013, signalait l’Assurance-maladie dans le même rapport. « Il faudra bien à un moment poser la question de la régulation des tarifs. Mais il y a dans un premier temps un travail de nomenclature à faire », explique Thomas Fatôme.

Redouté par les assureurs santé

« Il ne s’agit pas à ce stade d’instaurer un 100 % santé en orthodontie », temporise cependant le haut fonctionnaire. Mise en place lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la réforme du « 100 % santé » dispense les Français de mettre la main à la poche pour s’équiper de certaines lunettes, audioprothèses ou prothèses dentaires. Ces équipements ou soins prédéterminés sont entièrement pris en charge par l’Assurance-maladie avec les assureurs santé.

L’extension du « 100 % santé » à l’orthodontie avait été envisagée par l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron pendant la dernière présidentielle. Elle est cependant redoutée par les assureurs qui mettent en garde contre un dérapage de leurs dépenses et donc du prix des contrats de complémentaires santé.

« Etendre le 100 % santé à l’orthodontie ce serait à ce jour extrêmement prématuré », alerte Laurent Borella, directeur santé du groupe de protection sociale Malakoff Humanis. Le risque, selon l’assureur, serait de voir fleurir « des centaines de centres d’orthodontie » et d’assister à « une fuite des dentistes vers l’orthodontie au détriment des soins conservateurs ».

Fauteuils roulants

L’idée d’étendre le principe du 100 % santé à l’orthodontie est aussi décriée par les chirurgiens-dentistes car elle irait logiquement de pair avec un plafonnement de leurs tarifs. « On n’est pas favorables à l’introduction de l’orthodontie dans le 100 % santé », explique Pierre-Olivier Donnat, président du syndicat Chirurgiens-dentistes de France.

Le gouvernement a par ailleurs indiqué devant un panel de professionnels concernés par le « 100 % santé » mardi qu’il envisageait d’étendre ce dispositif aux fauteuils roulants en 2024. Il avait déjà fait savoir lors du débat sur le budget de la Sécurité sociale 2023 qu’il comptait étendre le « 100 % santé » aux prothèses capillaires pour soutenir les malades du cancer.

Les autorités ont aussi fait savoir qu’elles comptaient mener des contrôles chez les opticiens pour vérifier qu’ils proposent bien l’offre « sans reste à charge » à leurs clients et encourager le développement du tiers payant chez tous les professionnels concernés par la réforme du « 100 % santé ».


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