Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, s’est lancé dans une vaste opération de communication car il veut expliquer au pays à quoi sert l’argent collecté par le fisc. Pour cela, Bercy a mis en ligne un site web sobrement baptisé.
On y apprend, pêle-mêle :
- que la fabrication d’une carte d’identité coûte 6 euros environ,
- une intervention des pompiers 1 150 euros,
- et la scolarité au collège public 8 206 euros par an et par élève. C’est précis.
L’idée, c’est de conforter l’un des piliers du pacte social : le consentement à l’impôt
Or pour consentir, il faut avoir confiance. Et comme le raconte le meilleur spécialiste du sujet, l’historien Nicolas Delalande, cette confiance ne va pas de soi. Elle varie au gré des époques, en fonction de la capacité de l’Etat à convaincre les citoyens qu’il fait un bon usage de leurs deniers. De la Révolution jusqu’à la fin du XIXe siècle, il y a grosso modo un consensus national autour de l’impôt. Chaque Français est ponctionné sur sa richesse du même pourcentage, en échange de services publics régaliens : la police, la justice, l’armée…
Mais en 1914, tout change : on crée l’impôt sur le revenu
Le contribuable doit remplir lui-même sa déclaration, sous l’œil du fisc**. L’impôt, surtout, devient progressif.** Les moins riches y échappent, les plus riches paient davantage. Et là, ça commence à coincer. Dans les années 30, les premiers fraudeurs apparaissent. Certains parlent même du « Minotaure fiscal ». Bref, la confiance faiblit dans les classes moyennes. C’est précisément ce que Gabriel Attal veut éviter aujourd’hui.
Cette opération de communication peut-elle fonctionner ?
Elle partait sur de bonnes bases car les exemples présentés par Bercy sont concrets et plus parlants que les milliards d’euros qu’on évoque souvent dans le débat sur les finances publiques. Malheureusement, le ministre s’est un peu laissé emporter par sa folle inventivité. En plus de cette liste à la Prévert, il a ajouté un questionnaire en ligne, ouvert à tous, dont les réponses permettront « de tirer des enseignements pour les prochains budgets. » Vous la voyez venir la « consultation citoyenne », cette grosse ficelle marketing dont l’exécutif raffole ?
En vérité, les orientations budgétaires se décident au moment des élections, sur la foi de programmes qui engagent la responsabilité politique de leurs auteurs. Pas dans un questionnaire anonyme, rempli en trois minutes, où on vous demande s’il faut dépenser plus, ou dépenser moins, dans l’école, la santé et le logement.