Après le rapport de préconfiguration rendu public le 18 avril, place à la traduction juridique. Le ministère du Travail a engagé des concertations avec les partenaires sociaux notamment sur la base d’un avant-projet de loi « pour une nouvelle société du travail et de l’emploi », destiné à mettre en place France travail, la réorganisation du service de l’emploi et de l’insertion. La présentation en Conseil des ministres est prévue en juin, a indiqué la Première ministre, Elisabeth Borne, en détaillant sa feuille de route post-retraites.
Le texte, auquel « Les Echos » ont eu accès, ouvre la voie à la mise en place des grands principes qui fondent France travail pour ce qui relève de la loi, à compter du 1er janvier 2024 et au plus tard le 31 décembre 2026. Outre le volet réorganisation, qui vise une meilleure coordination sous l’égide de Pôle emploi, rebaptisé France travail, il s’agit d’abord de viser l’exhaustivité : toute personne privée d’emploi – chômeur, bénéficiaire du RSA, jeune ou handicapé -, devra être inscrite à France travail pour être orientée vers l’organisme le mieux à même de l’aider après un diagnostic global de sa situation.
Diagnostic global
« Les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi sont orientées en fonction de leur niveau de qualification, leur situation au regard de l’emploi, leurs aspirations et, le cas échéant, les difficultés particulières qu’elles rencontrent, notamment en matière de santé, de logement et de garde d’enfant », est-il écrit sachant que dans le cas des allocataires du RSA, les critères peuvent être adaptés par le préfet et le président du conseil départemental.
Charge ensuite à l’opérateur France travail ou ses satellites (missions locales pour les jeunes ou Cap emploi pour les handicapés), au conseil départemental ou à tout autre organisme délégataire « de mettre en oeuvre l’accompagnement dans un objectif d’accès ou de retour à l’emploi, le cas échéant par la reprise ou la création d’entreprise ».
« Lorsqu’il apparaît que des difficultés tenant notamment à leurs conditions de logement, leur absence de logement ou à leur état de santé font temporairement obstacle à leur engagement dans une démarche de recherche d’emploi, les personnes inscrites peuvent bénéficier d’un accompagnement à vocation d’insertion sociale », poursuit le projet de loi.
Tout cela sera consigné dans un contrat d’engagements réciproques appelé à fusionner les quatre dispositifs actuels, dans un délai fixé par décret et actualisé autant que de besoin. On y trouvera les droits et devoirs des deux parties à l’image de ce qui a déjà été lancé avec le contrat d’engagement jeune. Entre autres : désignation d’un conseiller référent, chargé de l’accompagnement du bénéficiaire tout au long de son parcours, obligation d’assiduité à l’ensemble des actions de formation, d’accompagnement et d’appui à la mise en oeuvre du projet d’insertion sociale ou professionnelle prévues, éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi quand le projet professionnel est arrêté…
Qui dit droits et devoirs, dit aussi sanctions si le bénéficiaire ne remplit pas, sauf motif légitime, sa part des obligations prévue dans le contrat (recherche d’emploi, absence à des formations, ou encore actions d’insertion sociale). L’allocation-chômage ou le RSA pourront ainsi être suspendus « en tout ou partie, lorsque le demandeur d’emploi refuse, sans motif légitime, d’élaborer ou d’actualiser le contrat d’engagement mentionné ».
Suspension, remobilisation
La suspension en tout ou partie pourra se muer en suppression « en fonction du ou des manquements constatés, de leur fréquence et de la nature du revenu ou de l’allocation perçue par le demandeur d’emploi ». Tout cela – durée des suspensions, fréquences des manquements, ponctions financières (en tenant compte de la composition du foyer pour le RSA), etc. – sera précisé par décret, sachant que le régime de sanction des chômeurs avait été réformé en 2018.
« La loi prévoit aujourd’hui une approche mécanique – ‘un manquement égale une sanction’ – très administrative et peu effective. Nous proposons une approche plus graduée, basée sur un faisceau d’indices analysé par des équipes de contrôle pluridisciplinaires », avait indiqué le haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, Thibaut Guilluy, en présentant le rapport de préconfiguration.
Il est question notamment d’instaurer une sanction intermédiaire, la « suspension remobilisation », avant la suppression de l’allocation sans interruption de l’accompagnement. Avec possibilité ou non de reverser ultérieurement les droits bloqués.