Les étrangers sans papiers bénéficiaires de l’aide médicale de l’Etat (AME) ont plus de difficultés à décrocher un rendez-vous médical que les autres patients, révèle une étude publiée ce vendredi par le ministère de la Santé et le Défenseur des droits.
« Les patients bénéficiaires de l’AME font l’objet de discriminations, qui constituent un obstacle supplémentaire à l’accès aux soins de ces publics fragiles », soulignent le ministère et l’autorité administrative indépendante dans un communiqué. Non seulement ces refus de soins discriminatoires sont illégaux mais ils « contreviennent à l’intérêt général en matière de santé publique », poursuit le communiqué.
Plus de coups de fil à passer
En moyenne, les bénéficiaires de l’AME – ouvrant droit à une prise en charge à 100 % des soins – doivent appeler 1,3 fois plus que les patients sans aide pour obtenir un rendez-vous médical, démontre l’étude. Celle-ci s’appuie sur les résultats d’une campagne de 34.000 appels téléphoniques réalisée auprès de plus de 3.000 praticiens – (hors praticiens hospitaliers) pendant près de sept mois en 2022.
Ce « testing », mené par l’Institut des politiques publiques (IPP), a permis de comparer les chances d’obtention d’un rendez-vous médical entre les bénéficiaires de l’AME, les personnes modestes qui bénéficient d’une prise en charge de leurs dépenses de santé via le dispositif de la complémentaire santé solidaire (CSS) et des patients dits « de référence » sans soutien public de l’un ou l’autre type.
Une « minorité » de médecins discriminant
Résultat : les bénéficiaires de l’AME – autour de 381.000 en 2021 – ont entre 14 et 36 % de chances en moins d’avoir un rendez-vous chez un généraliste que les patients de référence. Ils ont aussi moins de chances de décrocher une consultation chez un ophtalmologue ou un pédiatre.
La discrimination observée est le fait « d’une minorité de médecins », souligne l’étude mais est souvent explicite. Ainsi, pour les bénéficiaires de l’AME, 4 % des demandes de rendez-vous chez un généraliste « se soldent par un refus discriminatoire explicite ».
Des patients jugés plus complexes
Cette part monte à 7 % des appels à un pédiatre et 9 % des appels à un ophtalmologue. « Globalement, près d’un refus de rendez-vous sur dix opposé aux bénéficiaires de l’AME est explicitement discriminatoire », soulignent le ministère et le Défenseur des droits.
Parmi les pistes avancées pour expliquer cette discrimination figurent « des préjugés selon lesquels la prise en charge de ces patients serait plus complexe ». Les bénéficiaires de l’AME seraient en moins bonne santé, parleraient mal Français, justifieraient des consultations plus longues etc.
Les refus de rendez-vous pourraient aussi s’expliquer par la crainte de démarches administratives plus lourdes que pour d’autres patients, sachant que les bénéficiaires de l’AME n’ont pas la carte vitale.
L’étude démontre en revanche que les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS) ont autant de chances que les patients de référence d’obtenir un rendez-vous chez les médecins.
Une démarche laborieuse
Reste que décrocher une consultation est toujours « laborieux » à l’heure où la France voit sa population de médecins décliner . En moyenne, il faut s’y prendre à quatre fois pour avoir une réponse d’un cabinet médical. Et, seulement la moitié des nouveaux patients sans aide qui veulent consulter, sans invoquer une urgence, obtiennent une réponse favorable. Nombre de praticiens ne veulent pas prendre de nouveaux patients quels qu’ils soient.
Quant aux délais proposés, ils sont parfois très longs, en moyenne supérieurs à 25 jours pour les pédiatres et à 55 jours pour les ophtalmologues.