Les comptes de la Sécurité sociale vont rester dans le rouge malgré la réforme des retraites

Le report de l'âge de départ à la retraite ne contribuera que progressivement à améliorer les comptes sociaux, tandis que les dépenses de santé risquent de déraper, met en garde la Cour des comptes.


Malgré la réforme des retraites et la volonté affichée par le gouvernement de maîtriser les dépenses de santé, les comptes de la Sécurité sociale sont partis pour replonger plus profondément dans le rouge à partir de l’année prochaine, s’inquiète la Cour des comptes. Cette situation justifie des « réformes plus vigoureuses », défend l’institution.

Après s’être creusé comme jamais du fait de la crise sanitaire, le déficit de la Sécurité sociale doit être ramené à près de 8 milliards d’euros en 2023. Pour autant, « une hirondelle ne fait pas le printemps », a alerté ce mercredi le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. Le déficit doit, selon les prévisions du gouvernement, s’aggraver dès l’année prochaine pour se stabiliser autour de 13 milliards d’euros entre 2025 et 2026.

Des dépenses de santé sous contrainte

Le report de l’âge légal de départ en retraite de 62 à 64 ans, adopté dans la douleur cette année doit, certes, permettre de dégager des économies. Mais la « réforme n’aura d’effets financiers favorables que progressivement », prévient la Cour. La montée en charge des mesures d’accompagnement de la réforme, comme l’augmentation des petites retraites, est « plus rapide que celle des mesures d’âge ».

Conséquence : la réforme représentera un surcoût pour la Sécurité sociale jusqu’à fin 2024, avant de dégager un peu plus de 7 milliards d’économies nettes en 2030, indépendamment des autres régimes (Etat, retraites complémentaires Agirc-Arrco, etc.).

L’aggravation attendue du déficit est d’autant plus préoccupante, selon la Cour, que ce scénario est basé sur des hypothèses qu’elle considère comme optimistes. Le gouvernement table notamment sur une évolution des dépenses de santé « particulièrement ambitieuse », notent les magistrats de la Cour.

Une pression « jamais vue » sur les dépenses de santé

Entre 2023 et 2026, l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie (Ondam) est censé augmenter de 2,9 % par an en moyenne, « soit à peine plus que l’inflation » (2,8 % en moyenne). « Dans le passé, jamais une telle modération n’a pu être obtenue sur plusieurs années », souligne la Cour.

Maîtriser la facture des dépenses de santé sera d’autant plus difficile que le gouvernement promet de nouveaux coups de pouce financiers pour les soignants . Notamment pour ceux qui travaillent la nuit à l’hôpital.

La perspective de nouveaux déficits appelle des actions rapides des pouvoirs publics, selon la Cour. « La situation est dégradée au point qu’à l’issue de l’année 2023, au début de l’année 2024, les déficits ne pourront plus être repris par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) », pointe Véronique Hamayon, présidente de chambre à la Cour.

La question de la prolongation de la durée de vie de cette structure – au-delà de 2033 – est donc de nouveau posée, soulignent les magistrats financiers. Avec de vifs débats en perspective.

Réformes structurelles

Le gouvernement devrait surtout mettre en oeuvre « des réformes structurelles » et « plus vigoureuses » pour maîtriser les dépenses de santé. « Nous ne proposons des mesures supplémentaires, ni sur les retraites ni sur l’hôpital, temporise Pierre Moscovici. L’enjeu principal, c’est de mettre en oeuvre au plan local, une stratégie territorialisée qui associe l’hôpital public, les cliniques privées à but non lucratif ou non, la médecine libérale… »

La Cour des comptes a déjà maintes fois préconisé par le passé une meilleure maîtrise des dépenses de soins de ville , par exemple en regardant les dépenses liées à l’imagerie médicale.

Outil « décevant »

Dans son rapport, la Cour préconise par ailleurs de « refonder la maîtrise médicalisée des dépenses d’assurance-maladie ». Cette politique est censée favoriser des pratiques médicales efficaces mais moins coûteuses, en évitant les actes inutiles et/ou redondants. Il s’agit par exemple des campagnes visant à réduire les prescriptions d’antibiotiques ou de psychotropes.

La Cour est cependant dubitative sur les résultats de cette politique. Le montant d’économies revendiqué par l’Assurance Maladie à ce titre est « artificiel », estime l’institution. Elle considère cet outil de maîtrise des dépenses comme « décevant au regard des ambitions qu’il porte ». En témoignent le niveau relativement élevé de consommation de médicaments par an et par habitant et le fait que la France demeure au quatrième rang des pays les plus consommateurs d’antibiotiques.

La Cour souhaite aussi un renforcement des moyens de lutte contre la fraude sociale, alors que le gouvernement s’apprête à détailler un nouveau plan d’action.


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