Au terme d’un débat tendu, la commission des Affaires sociales a voté ce mercredi, par 38 voix contre 34, la suppression de l’article 1 de la proposition de loi du groupe centriste Liot, qui visait à abroger le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Une victoire d’étape pour le camp présidentiel, avant le possible examen du texte le 8 juin par les membres de l’hémicycle. Le texte, dont l’examen se poursuit, n’est pas enterré pour autant.
Durant l’examen en commission, les élus de gauche ont multiplié les prises de parole, tandis que les voix des députés les Républicains ont aidé le camp présidentiel à empêcher le vote de cet article en séance publique. Ce premier scrutin a ainsi été remporté de justesse en commission grâce notamment aux voix du groupe LR qui se sont additionnées à celles de la majorité. Seulement deux députés de droite sur huit ont joint leurs voix à celles des autres oppositions pour défendre l’abrogation des 64 ans.
Contre attaque de LFI
La gauche, LFI en pointe, a contre-attaqué en déposant plus d’un millier d’amendements sur l’article suivant de la proposition de loi, dans l’espoir d’empêcher les débats d’aller à leur terme. « Si on n’a pas le temps de discuter de l’ensemble du texte il reviendra en l’état initial en séance, il peut y avoir un intérêt à faire ça », a expliqué le député LFI Alexis Corbière. Alors que le groupe Liot se montrait réticent vis-à-vis de cette stratégie, la situation était bien incertaine à la mi-journée.
« Au regard de cette obstruction flagrante, nous allons poursuivre sans examiner » les amendements et sous-amendements déposés par la Nupes, a cependant annoncé la présidente de la commission Fadila Khattabi (Renaissance), faisant approuver sa décision par le Bureau de l’instance après de vives protestations de la gauche. « C’est une forfaiture démocratique », a réagi le premier secrétaire du PS Olivier Faure, tandis que la cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot, dénonçait « des petites manoeuvres politiciennes ».
En milieu d’après-midi, les députés de la Nupes ont finalement décidé de claquer la porte de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, accusant le camp présidentiel de « magouilles » pour empêcher le vote, le 8 juin dans l’hémicycle, du texte de loi. « Ils utilisent toutes les manoeuvres », s’est indignée la cheffe du groupe LFI Mathilde Panot, après que la présidente de la commission Fadila Khattabi a écarté des milliers d’amendements déposés par la gauche.
« Je suis atterrée, ça veut dire qu’on ne va pas voter sur ce texte. Honte aux LR sur ce coup-là, ils ne font que trahir leurs électeurs », a réagi dans la foulée de ce premier vote la députée RN Laure Lavalette. De son côté, l’intersyndicale a appelé à une nouvelle journée d’action mardi prochain contre l’impopulaire réforme des retraites, un texte déjà promulgué et appelé à entrer en vigueur en septembre.
La majorité mobilisée contre ce texte
Ces derniers jours, la majorité présidentielle a multiplié les recours pour empêcher un tel vote dans l’hémicycle, invoquant notamment l’article 40 de la Constitution qui empêche l’examen d’un texte mettant en péril les comptes publics. Ce mardi, le président de la Commission des Finances Eric Coquerel (la France insoumise) avait jugé « recevable » la proposition du groupe Liot, au grand dam du camp présidentiel.
La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet (Renaissance) avait affirmé qu’elle « prendrait ses responsabilités » pour empêcher le vote de ce texte, et la Première ministre Elisabeth Borne, avait dénoncé la « démagogie » de l’opposition. « On ment aux Français en portant avec la plus grande démagogie un texte dont chacun sait pertinemment qu’il serait censuré par le Conseil constitutionnel s’il parvenait au bout de son cheminement parlementaire », avait-elle déclaré lors de la séance de questions au gouvernement.
Suite incertaine du texte
Après la suppression de l’article d’abrogation des 64 ans en commission ce matin, le camp présidentiel compte désormais brandir à nouveau l’argument massue de l’article 40, le 8 juin, dans l’hémicycle, où le rapport de force lui semble toutefois moins favorable qu’en commission.
Son scénario privilégié est que Liot réintroduise sa mesure phare par un amendement. Et que la présidente de l’Assemblée nationale brandisse à ce moment-là le couperet de la recevabilité financière, empêchant ainsi un vote dans l’hémicycle. « Je prendrai mes responsabilités », a assuré ce mardi Yaël Braun-Pivet, membre de Renaissance, après avoir été critiquée dans son propre camp pour ne pas avoir fait barrage au texte plus tôt.