Les circulaires censées donner le mode d’emploi des dispositions réglementaires sont maintenant souvent remplacées par des FAQ (foires aux questions) en matière de droit du travail. Cela a été le cas concernant la présomption de démission en cas d’abandon de poste du salarié inscrite dans la réforme de l’assurance-chômage adoptée fin 2022.
Le 18 avril 2023 était publié un « question-réponse » « afin de répondre aux interrogations des acteurs sur les modalités d’application du nouveau cadre juridique ». Il n’a fait qu’une brève apparition : moins de deux semaines après, il disparaissait du site.
Menace contentieuse
« Il est apparu que [la FAQ] ne permettait pas en l’état, contrairement au but poursuivi, d’éclaircir les modalités d’application du nouveau cadre juridique », expliquait-on dans l’entourage du ministre le 4 juin. Motif invoqué : « les interrogations soulevées par cette FAQ et également portées dans le cadre de contentieux contre la FAQ auprès du Conseil d’Etat ».
La menace contentieuse a de fait pesé très lourd. Parmi les procédures engagées, il y en avait en effet une en référé : celle du syndicat patronal de la plasturgie Plastalliance, dont l’audience publique a eu lieu le 7 juin.
L’objet du contentieux était d’importance : la FAQ affirmait qu’en cas d’abandon de poste, l’employeur devait appliquer la présomption de démission alors que le décret ne fermait pas la porte à un licenciement pour faute, moins risqué juridiquement, estime-t-on de source patronale, et donnant droit à une indemnisation chômage.
Plusieurs recours
Constatant que postérieurement à l’introduction de la requête, le ministère du Travail avait retiré la publication contestée de son site, le Conseil d’Etat a conclu dans l’ordonnance de référé qu’elle a rendu le 8 juin, dont « Les Echos » ont eu copie, qu’il n’y avait plus lieu à statuer, ordonnant à l’Etat de verser 2.000 euros à Plastalliance.
Ce jugement n’est pas le dernier sur le sujet. La bataille juridique ne fait que commencer. Plusieurs recours contre le décret sur l’abandon de poste lui-même sont en cours, notamment un lancé par Force ouvrière. Quant à Plastalliance, il travaille maintenant sur une question prioritaire de constitutionnalité à adresser au Conseil constitutionnel. Elle portera sur l’existence d’une différence de traitement de l’abandon de poste non justifié selon le type de contrat puisque la présomption de démission ne s’applique qu’aux contrats à durée indéterminée.
CDI versus CDD
« Si on suit l’interprétation du ministère, un salarié en CDI abandonnant son poste aura son contrat suspendu sans solde si l’employeur choisit de ne rien faire ou sera considéré comme démissionnaire » sans droit au chômage, selon Joseph Tayefeh, secrétaire général de Plastalliance. « Un salarié en CDD en abandon de poste non justifié aura son contrat suspendu sans solde si l’employeur choisit de ne rien faire, sinon, il sera licencié pour faute grave avec allocations-chômage. »
Après celle du ministère du Travail en février, une étude de l’Unédic permet d’appréhender le phénomène. Publiés ce mardi en même temps que ses prévisions financières à horizon 2025 , ces travaux, basés sur un sondage auprès d’allocataires, estime à 82.000 le nombre d’abandons de postes ayant donné lieu à indemnisation en 2022, quasiment tous en CDI.
La moitié des abandons en accord avec l’employeur
Conditions de travail, souhait du salarié de se reconvertir, mal-être ou harcèlement… les motivations sont diverses. Surtout, les abandons de postes sont la plupart du temps précédés d’un refus par l’employeur d’une rupture conventionnelle. « La moitié d’entre eux sont réalisés en accord avec l’employeur, voire, pour 23 % des cas, suggérés par ce dernier », détaille l’étude.
L’Unédic estime entre 380 et 670 millions d’euros les moindres dépenses en année pleine que provoquera l’instauration d’une présomption de démission.