Après seulement trois années de vie active, les femmes gagnent en moyenne 8 % de moins que les hommes, indique une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) publié en juillet. Cette dernière met en lumière les inégalités de genre pour les jeunes ayant quitté le système éducatif en 2017 et compare les résultats obtenus avec ceux de la génération 2010.
« Pleine d’espoir » à l’heure de faire le bilan, Vanessa di Paola, auteure de l’étude, a vite déchanté. Les inégalités de genre dans le milieu professionnel ont la vie dure. Pire, la situation ne s’est pas améliorée.
Aucune amélioration depuis 2013
Pourtant les femmes sont plus diplômées que les hommes dans tous les groupes socioprofessionnels. La moitié d’entre elles sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur contre 40 % pour les hommes. Alors qu’elles devraient, en toute logique, accéder à des postes plus rémunérateurs grâce à leurs diplômes, les données montrent l’inverse. Ainsi, même quand elles accèdent à la catégorie cadre, elles exercent moins souvent des postes à responsabilités hiérarchiques (21 % contre 28 % pour les hommes).
La comparaison des chiffres entre 2013 et 2020 est également inquiétante. En 2013, après trois ans de vie active, l’écart de rémunération homme/femme à temps plein est de 1 %. En 2020, il a grimpé à 7 %.
Pour Thomas Couppié, chef de département au Cereq, la conjoncture économique explique en partie ces écarts. « En 2013, après la crise économique, la conjoncture économique pour les jeunes entrants dans la vie active est mauvaise », explique-t-il. Une situation économique défavorable qui aurait affecté négativement les salaires globaux des jeunes entrants dans la vie active, y compris les hommes. « Ce sont les résultats de 2013 qui se sont avérés anormaux, tranche Vanessa di Paola, quand la situation économique s’améliore, les inégalités reprennent. »
Rien n’indique que ces écarts au bout de trois ans de vie active se résorbent par la suite. A l’inverse, ils ont tendance à s’accroître. En témoigne l’écart de rémunération de 15 % entre les femmes et les hommes à temps de travail équivalent, selon les données de l’Insee de 2021.
Persistance des stéréotypes de genre
Pour expliquer les inégalités salariales, l’étude du Cereq pointe la persistance d’une ségrégation professionnelle de genre en deux dimensions : horizontale et verticale. La première voit les jeunes femmes et les jeunes hommes se concentrer dans certaines professions. « Les femmes se penchent davantage vers des métiers du social, de l’associatif et de la santé quand les hommes se concentrent plus sur le secteur marchand, plus rémunérateur par ailleurs », précise Vanessa di Paola.
En parallèle, la ségrégation verticale reste d’actualité. Elle montre que les femmes restent sous-représentées dans les professions les plus rémunératrices et socialement valorisées comme la catégorie cadre .
Aussi, les charges domestiques et les stéréotypes de genre jouent un rôle important dans l’explication des inégalités. « Les femmes prennent davantage de charges domestiques, ce qui n’est pas toujours compatible avec des métiers comme cadre où les réunions peuvent commencer tôt et finir tard », indique Louis Maurin, président et cofondateur de l’Observatoire des inégalités.
Les normes de travail fixées par les employeurs ont tendance à défavoriser les femmes qui portent davantage de charges en dehors du travail. Pour Louis Maurin, il faut donc « appeler à la responsabilité des employeurs ».
« Sexisme bienveillant »
De plus, les stéréotypes de genre persistent chez ces derniers. L’exemple le plus marquant est celui de la parentalité. « Les femmes qui sont mères gagnent moins que celles qui ne le sont pas. A l’inverse, les pères gagnent davantage que les hommes sans enfants », affirme Vanessa di Paola. Pour expliquer ce phénomène, l’autrice parle de « sexisme bienveillant ». Les employeurs ont tendance à protéger les femmes mères en les écartant des réunions tardives par exemple, ce qui entrave le développement de leurs carrières.
Alors que la France fait partie des bons élèves européens sur l’égalité femme-homme dans les grandes entreprises et que la loi dite Rixain visant à instaurer des quotas de femmes dirigeantes a été adoptée en 2021, les inégalités salariales subsistent. « Il faut absolument se méfier du consensus sur le fait qu’on va finir par atteindre la parité, nous ne sommes pas à l’abri d’un pas en arrière », avertit Louis Maurin.