Entre séduction et méfiance. Attirer les investisseurs chinois en France tout en défendant le concept d’autonomie stratégique qui implique une certaine distance avec Pékin sur plusieurs secteurs.
Avec un mantra : « derisking » , oui, découplage, non, pour marquer la différence avec la stratégie américaine, plus agressive vis-à-vis de la Chine. « Le découplage est une illusion », selon le ministre français pour qui « il est impossible de couper tout lien entre les économies américaine et européenne et celle de la Chine ». Le « derisking » vise, lui, à laisser la porte ouverte aux Chinois, tout en essayant de réduire notre dépendance vis-à-vis d’eux.
« Dans un monde où les risques financiers, climatiques, mais aussi sécuritaires ou géopolitiques sont de plus en plus prégnants, il paraît sain de diversifier ses chaînes d’approvisionnement pour éviter d’être dépendant d’un seul fournisseur ou bien d’un seul client, en particulier sur l’ensemble des domaines stratégiques ou relevant de la souveraineté nationale », a fait valoir Bruno Le Maire dans une interview à la presse chinoise.
A la recherche de fonds chinois
Mais tout compte fait, l’argent chinois est accueilli à bras ouverts par la France. « Les investisseurs chinois sont les bienvenus en France, en particulier dans le domaine des véhicules électriques, des batteries et de la transition énergétique », a martelé le ministre de l’Economie. Ce dernier a « encouragé les marques chinoises de véhicules électriques à investir en France afin de se rapprocher de leurs consommateurs, mais aussi pour décarboner leurs chaînes de production ».
D’ailleurs, le ministre français de l’Economie se rendra lundi à Shenzhen , une grande métropole du sud du pays, pour y rencontrer des investisseurs chinois et des grands patrons, dont celui du constructeur automobile BYD . La marque réfléchit à l’ouverture d’une usine de véhicules électriques en Europe. BYD pourrait alors profiter du futur bonus vert sur les véhicules électriques et ne pas voir ses voitures imposées aux frontières de l’Union européenne si celle-ci opte pour une taxe carbone sur les importations.
La stratégie allemande
L’empressement français à séduire les Chinois peut paraître à contretemps, alors que l’Allemagne souhaite réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine. Mais accueillir des investisseurs chinois est peut-être moins dangereux que d’investir en Chine en cas de tensions géopolitiques.
L’Allemagne est d’ailleurs beaucoup plus dépendante de la Chine que la France. Notre voisin a exporté 106 milliards d’euros de biens vers la Chine l’an passé, soit quatre fois plus que nous. Il a importé 192 milliards de biens soit deux fois et demie plus que la France. Et l’Allemagne est de loin le premier investisseur européen en Chine, avec 43 % du total, en moyenne, au cours des quatre dernières années, selon une étude du Rhodium group. En 2018, les entreprises allemandes représentaient plus de la moitié de tous les investissements européens en Chine.
« Rééquilibrage de la relation commerciale »
Cela n’a pas empêché Bruno Le Maire de plaider pour un « rééquilibrage » de la relation économique, car le déficit commercial de la France vis-à-vis de la Chine était de près de 53,6 milliards d’euros en 2022, toujours plus abyssal . Le ministre n’a pas manqué de demander de la « réciprocité » et « des conditions de concurrence équitable, de transparence et de prévisibilité dans l’accès au marché ».
Mais l’objectif est encore lointain. Alors que la Chine exige des fabricants de cosmétiques étrangers tous les détails sur les procédés de fabrication et sur leurs matières premières, une demande qui bafoue le droit de la propriété intellectuelle, Bruno Le Maire n’a par exemple obtenu que la création d’un groupe de travail sur ce sujet.
Du côté chinois, He Lifeng, le vice-Premier ministre chinois chargé des Affaires économiques, a dit espérer que la France « fournira un environnement commercial plus équitable, juste et non discriminatoire » aux entreprises de son pays. Son autre espoir est que « la France aplanira la coopération amicale entre la Chine et l’UE ».