Céréales : les pays de l’Est paient le prix de la solidarité avec l’Ukraine

L'arrivée de produits agricoles ukrainiens libres de droits de douane dans les pays d'Europe orientale pénalise les paysans locaux. Les Vingt-Sept examinent les moyens de les dédommager.


Les pays de l’Union européenne ne font pas qu’ accueillir les réfugiés ukrainiens par millions . Leurs agriculteurs paient aussi le prix de la solidarité avec Kiev, au point qu’il faudra les dédommager. La question sera à l’ordre du jour d’un Conseil des ministres de l’Agriculture qui se réunit à Bruxelles ce lundi.

L’an dernier, pour soutenir l’Ukraine contre l’envahisseur russe, les Vingt-Sept ont décidé de lever toutes les barrières douanières, quotas et autres restrictions qui pesaient encore sur les produits agricoles ukrainiens à leur entrée sur le marché unique. Poulets, oeufs, produits laitiers, sucre, viande de porc… et les céréales que le pays exporte massivement.

Eviter une crise alimentaire

Cette mesure visait à aider les agriculteurs ukrainiens, mais aussi à assurer l’exportation des céréales ukrainiennes vers les pays du Sud afin d’éviter une crise alimentaire mondiale. « Avant la guerre, 75 % des céréales ukrainiennes étaient exportées, essentiellement par la mer Noire, et plus de la moitié avaient pour destination des pays du Sud, dont certains très vulnérables comme l’Erythrée », rappelle Geneviève Pons, directrice générale du think tank Europe Jacques Delors à Bruxelles.

Avec les perturbations du trafic en mer Noire, il a fallu trouver d’autres voies pour sortir le maïs, le blé ou l’orge ukrainien du pays. Route, rail, transport fluvial… la plupart des nouveaux itinéraires passent désormais par les pays frontaliers de l’Ukraine comme la Pologne, la Roumanie ou la Bulgarie. Le problème, c’est qu’une partie de ces produits agricoles restent dans ces pays, où ils sont commercialisés.

Prisonnière des marchés locaux

Souvent parce que les infrastructures de transport et de stockage ne permettent pas leur expédition à des coûts compétitifs, ou bien parce que les lots sont trop petits pour intéresser les acheteurs internationaux. « Une partie de la production ukrainienne reste prisonnière des marchés locaux », poursuit Geneviève Pons.

Bien que les quantités en question soient relativement faibles, leur mise en vente peut avoir des effets importants sur les marchés locaux des pays limitrophes de l’Ukraine, provoquant une forte baisse des prix… et une compétition rude et massive pour les agriculteurs du cru.

Réserve de crise

Les Vingt-Sept n’ont pas l’intention de revenir sur l’abolition des droits de douane et des quotas, qui doit être renouvelée prochainement. Il faudra donc aider les paysans lésés. Pour dédommager les agriculteurs roumains, polonais ou bulgares, le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, a évoqué l’utilisation de la « réserve agricole ».

C’est une sorte de réserve de crise prévue par la politique agricole commune. Elle s’élève à 450 millions d’euros par an et peut être abondée par les Etats membres. Il en sera question ce lundi à la réunion des ministres à Bruxelles.

Au-delà de ce soutien de court terme, il faudra développer les infrastructures de transport et de stockage dans ces pays de l’UE qui sont devenus de nouveaux corridors d’exportation pour l’agriculture ukrainienne. « Vu l’incertitude sur la durée du conflit , il faudra renforcer ces routes alternatives à la mer Noire », estime Geneviève Pons.


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