Les turbulences sont encore devant nous. Comme ailleurs dans la zone euro, la reprise post-Covid de l’activité dans l’Hexagone commence à être freinée dans son élan par les effets de la guerre menée par la Russie en Ukraine . Le ralentissement devrait néanmoins y être moins brutal que dans les autres grandes économies.
Pour la France, le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la baisse, mardi, sa prévision de croissance de 0,6 point par rapport à son estimation de janvier, contre une révision de 1,1 point pour la zone euro et de 1,7 point pour l’Allemagne. L’organisation table désormais sur une hausse du PIB de 2,9 % dans l’Hexagone cette année. Un rythme soutenu lié à la vigueur de la reprise l’an dernier.
Fin 2021, l’acquis de croissance pour l’année 2022 s’élevait en effet à 2,4 %. « Il y a une illusion d’optique », convient Gilles Moëc, chef économiste d’AXA, qui prévoit une hausse de 2,7 % du PIB en 2022. « Contrairement à beaucoup d’autres pays, la France échappera de justesse à une récession technique cette année, mais l’activité devrait être étale, assure-t-il. Grâce à son mix énergétique complété par le ‘bouclier tarifaire’ et au poids relativement plus faible de l’industrie manufacturière, elle est mieux armée que ses voisins de la zone euro. »
Les projections de Philippe Waechter, chez Ostrum Asset Management, sont plus sombres. Selon lui, la croissance française en 2022 devrait se situer autour de 2,5 %. « L’estimation du FMI pour la France est plutôt optimiste, estime-t-il. Elle prend acte du ralentissement de l’activité, mais n’intègre pas l’idée d’une entrée durable en récession. »
Incertitudes
En réalité, l’incertitude reste le maître mot de ce début d’année alors que les nuages s’amoncellent. Depuis le 24 février, les effets du conflit entre Kiev et Moscou se répercutent sur l’économie via trois canaux : l’énergie, la hausse des prix, la confiance. S’ajoute aujourd’hui la menace d’un nouveau choc avec les confinements liés au Covid en Chine.
L’impact sur l’activité est déjà visible. Ces dernières semaines, les difficultés d’approvisionnement se sont de nouveau accentuées. 60 % des industriels jugent qu’elles grippent la production, selon la dernière enquête de conjoncture de la Banque de France qui a ramené de 0,5 % à 0,25 % sa prévision de croissance au premier trimestre. Dans l’automobile, des usines sont à l’arrêt au Mans comme à Douai, faute de disposer des composants nécessaires.
L’invasion de l’Ukraine et les sanctions occidentales imposées à la Russie assombrissent aussi les perspectives à l’exportation. Les entreprises françaises risquent de subir le contrecoup du ralentissement de l’économie allemande, premier partenaire commercial de l’Hexagone. « Le point à surveiller sera la dynamique du marché du travail », estime Gilles Moëc.
Retour à la croissance potentielle d’avant-crise
La guerre en Ukraine et les hausses des prix qu’elle provoque pèsent aussi sur la confiance des ménages. L’inflation, qui a atteint 4,5 % en France en mars, devrait se maintenir à un niveau élevé pendant de longs mois. La consommation, premier moteur de la croissance dans l’Hexagone, pourrait en souffrir. « Il y aura des augmentations salariales mais pas assez pour éviter des pertes de pouvoir d’achat en 2022 », prédit Vincent Chaigneau, directeur de la recherche chez Generali Investments. Ce dernier prévoit à ce stade une hausse de 3 % du PIB en France en 2022, grâce à un rebond « limité en fin d’année qui serait de courte durée, avant un ralentissement global de l’activité au second semestre 2023 ».
Mardi, le FMI a également abaissé sa prévision de croissance pour l’Hexagone en 2023, de 1,8 % à 1,4 %. « C’est nettement moins que les 2,3 % prévus en moyenne de la zone euro », observe Stéphane Colliac, chez BNP Paribas, qui précise « ne pas souscrire à ce scénario ». « S’il n’y a pas de nouveaux chocs, la France retrouvera l’an prochain sa croissance potentielle d’avant la pandémie », observe de son côté Gilles Moëc. Pour l’économie française, 2023 serait ainsi une année de normalisation.