Le Kremlin l’exigeait, le gouvernement est passé à l’acte. Vladimir Poutine avait appelé les entreprises à faire passer le patriotisme avant le profit et à « agir dès maintenant », lors d’une récente rencontre avec le patronat et quelques oligarques.
Le projet est en voie de se concrétiser, face à un déficit budgétaire qui se creuse : l’objectif est de lever environ 300 milliards de roubles (3,6 milliards d’euros) sous forme de taxe exceptionnelle. Elle reviendra à prélever 5 % des bénéfices excédentaires dès cette année. Elle ne devrait pas affecter les entreprises pétrolières, gazières et charbonnières. Mais les compagnies énergétiques seront appelées à contribution par une autre voie.
L’idée est d’adapter le système fiscal aux effets en chaîne des sanctions occidentales. Celles-ci imposent depuis décembre un plafonnement du prix du brut russe à 60 dollars par baril.
Des sanctions occidentales contournées
Les données douanières montrent que les compagnies pétrolières nationales trouvent les moyens de dépasser ce seuil sur une grande partie de leurs exportations. Mais fiscalement, elles n’ont plus intérêt à montrer qu’elles vendent à un prix élevé. Elles effectuent une grande partie de leurs ventes via des intermédiaires et des comptes en dehors de la Russie.
Le gouvernement est d’autant moins aveugle que Vladimir Poutine a, dans son discours du 16 mars, appelé la communauté d’affaires à ne pas se cacher derrière des structures offshore. Du coup, le fisc russe veut leur imposer de payer des impôts sur les volumes exportés au-delà du prix plafond officiellement déclaré.
A partir d’avril, des mesures techniques sur le calcul à partir d’un indicateur indexé sur le Brent devraient ainsi permettre de générer quelque 600 milliards de roubles (7,3 milliards d’euros).
Le déficit budgétaire russe se creuse
Ces montants à eux seuls donnent le tournis et rappellent l’importance des revenus énergétiques dans les finances fédérales de la Russie : quelque 40 % des recettes budgétaires proviennent du gaz et du pétrole.
La Russie commercialise plus ou moins toujours le même volume de brut. Mais sous l’effet des sanctions occidentales, les revenus pétroliers ont plongé de 42 % sur un an en février. Le budget de l’Etat commence bel et bien à être affecté. La baisse des revenus des exportations énergétiques va considérablement creuser le déficit budgétaire. De quoi rassurer Etats-Unis et Europe : ces sanctions-là ont un impact sur l’économie russe.
L’Etat russe, habitué avant son offensive militaire à des excédents, pourrait cette année subir un déficit de 3,5 % du produit intérieur brut (PIB), selon une récente analyse de l’agence de notation européenne Scope. Soit nettement plus que les prévisions officielles russes (2 %) après les 2,3 % enregistrés l’an passé.
Pour l’instant, la Russie peut se le permettre car le gouvernement bénéficie des réserves du Fonds national de richesse dans lequel il est aisé de puiser. Mais celui-ci fond rapidement. Il devrait représenter seulement 3,7 % du PIB d’ici à fin 2024, contre 10,4 % avant le début de « l’opération spéciale ». D’où la nécessité de doper les rentrées fiscales…