Pour la Banque centrale européenne (BCE), c’est une faille du marché bancaire unique : les conditions de nominations de dirigeants de banques varient encore d’un pays à l’autre en Europe. Dans certains cas, le superviseur national est consulté en amont (« en ante ») de la nomination du dirigeant. Dans d’autres, il est consulté a posteriori (« ex post »).
Dans le cadre d’une proposition de directive en cours de discussion, la Commission européenne propose donc d’établir un standard unique au sein de l’Union européenne (UE) en donnant à la BCE une sorte de droit de veto « ex ante ». La proposition est accueillie avec réserve par la France, l’Allemagne ou l’Italie, qui appliquent la règle « ex post ».
« Le but est de s’assurer que les membres de la direction des banques soient tenus aux mêmes standards de conduite, d’expérience et de réputation dans tous les pays de l’UE », explique Frank Elderson, le numéro 2 de la supervision bancaire dans la zone euro, sur le blog de la BCE. « Cela rendra nos banques plus fortes et notre supervision moins complexe et donc plus efficace. »
« fit and proper »
Le superviseur européen, qui soutient la proposition de la Commission, veut s’assurer que les membres des comités de direction et des conseils d’administration des banques soient irréprochables, à la fois en termes de compétence et d’honorabilité (« fit and proper » dans le jargon).
« La BCE joue toujours un rôle de gardien dans ce domaine, mais nous sommes gênés par le patchwork de règles nationales différentes », estime Frank Elderson. Ce projet d’harmonisation des règles est toutefois vivement rejeté dans certains Etats membres, à commencer par la France.
« Le système d’évaluation ex post […], a fait ses preuves, réagit ainsi la Fédération bancaire française (FBF) : il permet d’éviter les vacances de postes et aucun dysfonctionnement ne justifie de changement de modèle. Ceci risque donc d’aboutir à un système très lourd pour le renouvellement des managers et dirigeants, la promotion de profils diversifiés, au risque que les futures nominations se portent de préférence sur des personnes déjà validées par la BCE. »
Pour les banques françaises, la modification risquerait d’allonger de plusieurs mois les processus de nominations, qui sont déjà lourds, mais aussi d’avoir un impact fort sur les groupes mutualistes. Les dirigeants de caisses locales devraient potentiellement être soumis aux mêmes règles. « La BCE convient qu’une approche proportionnée s’impose ici », répond toutefois Frank Elderson.
Autrement dit, la BCE se concentrerait sur les banques dites systémiques , comme BNP Paribas ou Société Générale.
Compétence nationale ou européenne
La réserve de la France et d’autres pays ne porte pas seulement sur la séquence de supervision, mais aussi sur le transfert de compétence du superviseur national vers le superviseur européen. En France, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), en charge de la supervision des banques et des assurances et rattachée à la Banque de France, perdrait ainsi un levier de pouvoir important.
Francfort projette toutefois de travailler main dans la main avec les autorités nationales. La Banque de France n’a pas souhaité commenter.
Cette mesure s’intègre dans un « paquet bancaire » (projet de directive européenne, nouvelles règles…) qui vise à mettre en oeuvre le dernier volet des réformes dites de Bâle 3. Ce dernier est censé renforcer la solidité du système bancaire, et doit encore être discuté par le Parlement européen et le conseil des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE.