Les raids très en profondeur menés mardi et huit jours auparavant par les Ukrainiens dans la péninsule de Crimée annexée par Moscou sont venus à point nommer rappeler l’efficacité de son armée, qui bénéficie de l a fourniture d’armes la plus massive jamais opérée par l’Alliance atlantique au profit d’un pays tiers.
Une manière de montrer que ces armes ne finissent pas en majorité dans les mains de trafiquants locaux, alors que la chaîne de télévision américaine CBS avait diffusé, le 4 août, un reportage controversé dans lequel des personnes interviewées s’inquiétaient de possibles détournements de l’aide militaire. Face aux critiques, la chaîne a retiré le documentaire pour le « mettre à jour ».
Des arguments de Moscou
Pour Dmytro Kouleba, ministre ukrainien des Affaires étrangères, tant le reportage de CBS que le rapport d’Amnesty International accusant les troupes ukrainiennes de s’abriter dans des zones civiles, était « synchronisés » avec les arguments avancés par la propagande russe. Cette dernière répète à loisir que les armes envoyées en Ukraine seraient détournées par des responsables ukrainiens corrompus.
De son côté, le ministre de la Défense Oleksi Reznivkov a rappelé lors d’une interview avec le Financial Times que l’Ukraine se battait « pour sa survie » et n’a pour conséquent aucun intérêt à trafiquer les armes fournies par ses partenaires occidentaux. Selon lui, plusieurs pays auraient par ailleurs envoyé des représentants en Ukraine pour y suivre les livraisons d’armes.
Parmi les éléments du documentaire critiqués figure notamment une citation de Jonas Ohman, fondateur de l’ONG pro-ukrainienne Blue/Yellow, qui déclarait fin avril que seulement 30 % de l’aide occidentale parviendrait jusqu’à la ligne de front. Or, le 7 août, Ohman a expliqué dans une publication Facebook que ses propos avaient été « sortis de leur contexte » temporel et que ces derniers n’étaient applicables qu’aux deux premiers mois du conflit : « Lorsque j’ai indiqué que 30 % de l’aide atteint la ligne de front, cela faisait référence à une évaluation générale par Blue/Yellow de l’efficacité de l’effort d’aide occidentale à ce moment-là, peut-on lire dans sa publication. En aucun cas est-il suggéré que l’aide est vendue sur le marché noir ou volée. »
Trois institutions contrôlent les flux d’armes
Plusieurs médias ont critiqué le documentaire, estimant que celui-ci avait omis de mentionner l’existence de mécanismes permettant déjà de suivre les livraisons d’armes à l’Ukraine et de s’assurer que celles-ci arrivent à bon port : en particulier, un groupe opérationnel du commandement européen des forces armées américaines, situé à Stuttgart, est chargé de coordonner les demandes d’aide militaire de l’Ukraine, de faciliter les acquisitions de matériel et d’armes et de les acheminer jusqu’à la frontière du pays. De son côté, l’Union Européenne coordonne l’assistance militaire apportée à l’Ukraine à travers la « Facilité Européenne pour la paix ». Ce nouvel instrument finance les actions extérieures de l’UE ayant une dimension militaire ou de défense, et prévoit la mise en place de procédures de contrôle de l’aide apportée à un Etat tiers.
Commission temporaire
Pour rassurer ses partenaires occidentaux, l’Ukraine a pour sa part voté la création d’une commission temporaire spéciale (TSC) chargée de contrôler la réception et l’utilisation des armes envoyées en Ukraine, dirigée par le législateur Rustem Umerov, du parti d’opposition « Holos ».
Les accusations relatives à de possibles détournements sont l’un des arguments avancés par les opposants au soutien apporté à l’Ukraine, telles que la députée américaine Lauren Boebert, pour mettre fin à ces livraisons d’armes. Face à la controverse, CBS a retiré son documentaire et indiqué qu’elle allait le mettre à jour avec de nouvelles informations, dont la venue à Kiev de l’attaché de défense américain Garrick M. Harmon, début août, dépêché sur place pour contrôler la livraison d’armes.