Attendue de longue date, la réforme du marché de l’électricité destinée à enrayer la volatilité des prix pour les entreprises et le consommateur entre dans le dur.
Mardi, l’Union européenne a présenté son projet qui pousse gouvernements et entreprises à conclure des contrats de long terme. Une manière de stabiliser les tarifs qui ont parfois atteint des niveaux sans précédent en raison de la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine ces derniers mois.
Le marché est aujourd’hui structuré autour de contrats de court terme que la Commission préconise cependant de conserver.
Alors que certains pays comme la France et l’Espagne appelaient à une réforme complète et urgente du marché de l’électricité, Bruxelles s’est donc surtout attelé à plafonner les prix, sans tout révolutionner, remettant potentiellement à plus tard d’autres modifications plus structurelles.
L’Allemagne, et d’autres pays comme le Danemark, qui avaient appelé à repousser une refonte d’ampleur après les élections européennes, peuvent donc être satisfaits.
Prix fixe
Concrètement, alors que c’est le prix du gaz qui détermine le prix de l’électricité sur le marché, la Commission prend des mesures permettant d’affaiblir le lien entre les deux.
« Nous préservons les fondamentaux du marché, a assuré Kadri Simson, la commissaire à l’énergie. La reforme ne change pas le mécanisme de formation des prix pour le marché à court terme, ce qui ne veut pas dire que nous ne pourrons pas en arriver au découplage du prix de l’électricité par rapport à celui du gaz ».
La Commission impose notamment aux pays de recourir à des « contrats pour différence » (CFD) permettant de garantir un prix fixe pour obtenir de futures aides publiques pour les investissements nouveaux dans les énergies éoliennes, solaires, géothermiques ou nucléaires.
Point essentiel pour la France, ces contrats pourront aussi bénéficier aux installations de production électriques existantes, ayant bénéficié d’investissements pour prolonger leur durée de vie, comme les centrales nucléaires françaises en activité. Pour l’atome français, dont la régulation actuelle (l’Arenh) doit s’éteindre en 2025, c’est la perspective de bénéficier d’un nouveau prix de vente régulé, à très long terme -un élément crucial pour garantir la compétitivité nationale.
« Ce texte répond à nos trois demandes principales : faire bénéficier les consommateurs du coût de production des centrales établies sur leur sol, inciter les fournisseurs à des pratiques de couverture plus prudentes, faciliter les investissements dans les moyens de production décarbonés en donnant de la visibilité sur le prix de l’électricité à long terme », s’est félicité Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique, à Paris.
Grâce à ces contrats, la Commission espère surtout stimuler le déploiement des énergies renouvelables qu’elle entend tripler d’ici la fin de cette décennie et éliminer progressivement le gaz dans les mix énergétiques européens.
« La Commission demande aux Etats membres d’utiliser des contrats bidirectionnels avec un prix plafond qui protège le consommateur et un seuil qui protège l’investisseur, pour avoir accès au soutien public », détaille un haut fonctionnaire européen. Tout revenu supérieur au plafond serait remboursé au consommateur et aux entreprises.
Avec cette réforme mi-chèvre mi-chou, la Commission cherche à réguler les tarifs, tout en évitant de bouleverser le marché et en préservant sa prévisibilité pour les investisseurs dans les énergies renouvelables.
Situation de crise
Grande nouveauté également, la réforme permet aux Etats membres de proposer des prix réglementés à un niveau abordable pour les ménages et les petites et moyennes entreprises en période de crise.
Cependant, c’est la Commission qui décréterait la situation de crise, sous certaines conditions, liées au niveau de flambée possible des prix.
La protection des consommateurs est l’un des piliers de cette réforme qui impose, entre autres, aux fournisseurs d’énergie de leur proposer divers types de contrats, y compris à prix fixe à long terme. Et prévoit la possibilité pour les Etats de désigner un fournisseur de secours pour qu’aucun consommateur se retrouve sans électricité en cas de défaillance.
Le Parlement européen et les Etats membres vont désormais devoir se prononcer sur ces propositions. Pendant leur élaboration, des divergences fortes sont apparues sur leur mise en oeuvre, leur ampleur ou encore leur calendrier.
Les Vingt-Sept sont tous conscients de la nécessité d’agir vite sur les tarifs tant la crise a fait des ravages. Il s’agit pour eux de se mettre d’accord dès cette année pour pouvoir poser les verrous proposés par cette réforme dès l’hiver prochain.
Faute de quoi celle-ci pourrait manquer sa cible. « S’il faut aller plus loin dans la réforme, la Commission y reviendra plus tard, explique un haut fonctionnaire. Pour l’heure, elle estime qu’elle a une proposition ciblée capable d’être mise en oeuvre rapidement ».