« Aucune mesure significative n’a été prise en France dans le domaine des retraites au cours des deux dernières années. » Dans son panorama 2021 des retraites, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) regrette, entre les lignes, l’abandon d’une réforme systémique qui répondait à nombre de ses recommandations et surtout au défi financier du vieillissement de la population.
De fait, les grands débats de 2018-2019 et deux projets de loi ambitieux n’ont débouché sur rien, à part l’amélioration des retraites agricoles, portée par des députés communistes, et la sous-indexation temporaire des retraites complémentaires Agirc-Arrco.
L’organisation internationale revient donc à la charge sur le thème du nécessaire recul de l’âge de départ , mais elle le fait cette année sous un angle nouveau : en plaidant pour l’introduction de mécanismes d’ajustement automatique des paramètres du système de retraite, au-delà de l’indexation des pensions sur l’inflation. Cela permettrait de redresser la trajectoire financière ponctuellement, sans mettre en branle à chaque fois une vaste réforme, avec projet de loi, mobilisation dans la rue et psychodrame national.
Réduire la nécessité de réformes fréquentes
La France fait partie du tiers des pays de l’OCDE qui n’ont pas déjà mis en place une dose de pilotage automatique. Cela a pourtant bien failli se faire avec la réforme Macron, qui prévoyait de prendre en compte l’espérance de vie pour faire varier l’âge de départ .
Les modèles en la matière sont la Suède, qui adapte les prestations selon l’espérance de vie et dispose d’un mécanisme d’équilibrage financier du système, et la Finlande, qui ajuste à la fois les prestations et les âges de départ en fonction de l’espérance de vie puis boucle le tout avec un mécanisme d’équilibrage financier susceptible de modifier les taux de cotisation.
De tels mécanismes « réduisent la nécessité de réformes fréquentes des retraites » sans les faire disparaître, plaide l’OCDE. Pour se maintenir dans la durée, ils doivent être conçus pour éviter des ajustements trop durs. Les décideurs doivent également pouvoir débrancher le pilote automatique « s’ils jugent les ajustements déclenchés indésirables ». « La question de savoir s’il convient d’ajuster les pensions, les cotisations ou l’âge de la retraite relève fondamentalement du débat démocratique », insiste l’organisation internationale.
Fragmentation et opacité
Mais pour la France, il va être difficile de mettre en place un tel pilotage, regrette l’OCDE, pour qui « la fragmentation actuelle favorise l’opacité de la gestion financière du système de retraite français », avec ses 42 régimes. le calcul des pensions du privé sur la base des vingt-cinq meilleures années ou celle des fonctionnaires sur les six derniers mois. Seuls sept pays de l’OCDE ne prennent pas en compte l’ensemble de la carrière.
L’Organisation pointe l’urgence de réformes, en montrant que les dépenses de retraite hexagonales se sont accrues de 2,2 points de PIB depuis 2000, contre 1,5 point en moyenne chez les pays membres. De plus, seuls 33 % des 60-64 ans sont en emploi, contre 51 % dans l’OCDE, et l’âge moyen de sortie du marché du travail est de 60,6 ans contre 63,1 ans.
Or au-delà de 2035, date à laquelle l’augmentation de la durée de cotisation à 43 ans sera achevée, plus aucun mécanisme ne fera monter l’âge moyen de départ. « En 2050, les personnes âgées de 65 ans devraient vivre 8 ans de plus qu’au début des années 1980 lorsque l’âge de la retraite fut abaissé à 60 ans. Ainsi, un âge minimum qui serait maintenu à 62 ans (60 ans pour le dispositif carrières longues) paraît très bas, même lorsque l’on ignore l’effet du vieillissement des générations du baby-boom », écrit l’OCDE. Un message déjà largement intégré, à droite comme dans la majorité.