Cet accord a déjà été sauvé deux fois in extremis, mais cela paraît compromis à cette heure. Signé en juillet 2022 pour permettre à l’Ukraine d’exporter ses céréales, puis prolongé en novembre 2022, mars et mai 2023, « l’accord de la Mer noire est de facto terminé ».
« Dès que la partie (des accords) concernant la Russie sera satisfaite, la Russie reviendra immédiatement à l’accord sur les céréales », a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Les revendications de Moscou sont claires : la reprise libre de ses propres exportations de céréales et d’engrais, actuellement sous le coup de sanctions occidentales .
Déception en Europe
La porte-parole adjointe du gouvernement allemand, Christiane Hoffmann, a exhorté Moscou à « ne pas faire supporter les conséquences de ce conflit aux plus pauvres de la planète ». « En outre, nous espérons que, à l’avenir, cet accord céréalier ne sera pas seulement à durée déterminée ou pour une courte durée mais que l’on pourra exporter depuis l’Ukraine des céréales et de l’engrais sur le long terme », a-t-elle ajouté. De son côté, Londres a jugé cette annonce « très décevante ». « Nous allons continuer les discussions », a ajouté le porte-parole du Premier ministre Rishi Sunak. »
Quant à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, elle a « fermement » condamné une décision qu’elle a qualifié de « cynique », en dépit des efforts déployés par les Nations unies et la Turquie. « L’UE s’efforce de garantir la sécurité alimentaire des populations vulnérables de la planète », a-t-elle tweeté.
Une menace pour la sécurité alimentaire mondiale
Cinq mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 22 juillet 2022, « l’initiative de la Mer noire » a permis à Kiev d’exporter ses céréales – maïs mais aussi blé, tournesol et soja – via ses ports sur la Mer noire, en dépit du conflit. Il s’agissait d’épargner à de nombreux pays dépendants des importations, comme la Turquie ou l’Egypte, de manquer de grain . Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est d’ailleurs dit convaincu lundi que tout espoir n’était pas perdu. « Je pense que malgré la déclaration d’aujourd’hui, mon ami M. Poutine veut poursuivre l’accord », a-t-il assuré.
« Mon ministre des Affaires étrangères doit s’entretenir par téléphone (avec le ministre russe) et je parlerai à M. Poutine dès mon retour », a poursuivi le président turc qui s’exprimait devant la presse avant de s’envoler pour l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Qatar.
En novembre 2022 , l’accord a été prolongé pour 120 jours. Puis de 60 jours en mars et en mai 2023 . Mais à chaque fois, la Russie a fait durer le suspense jusqu’au bout, se plaignant d’entraves à ses propres livraisons de produits agricoles et d’engrais et assurant que l’objectif affiché de l’accord, permettre la livraison de céréales aux pays pauvres, n’est pas réalisé.
Pas de liens avec les événements récents sur le front
« La Russie a officiellement notifié les parties turque et ukrainienne, ainsi que le secrétariat des Nations unies, de son objection à l’extension de l’accord », a déclaré la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova à l’agence de presse publique TASS. Ankara s’était particulièrement investie pour servir d’intermédiaire entre Moscou et Kiev, sous l’égide de l’ONU.
Les déclarations de Dmitri Peskov interviennent quelques heures après une attaque ukrainienne par drone naval qui a touché le crucial pont reliant la Russie à la péninsule annexée de Crimée, et tué deux civils. Le porte-parole du Kremlin a toutefois assuré que la décision de non-reconduction de l’accord et l’attaque n’étaient pas « liées », expliquant qu’« avant même cette attaque, c’était la position du président Poutine ».