Face à la crise du Covid-19 qui dure et à l’incertitude qui en découle, plus de la moitié des entreprises ayant souscrit un prêt garanti par l’Etat ont demandé une année supplémentaire avant de commencer à rembourser, selon un bilan établi par la Fédération bancaire française et publié aujourd’hui.
Ces prêts, lancés en urgence en mars 2020 et distribués à prix coûtant par les banques, ont bénéficié − à la date du 19 mars 2021 − à exactement 669.883 entreprises, principalement des TPE et PME, à 94%, selon les chiffres diffusés mardi par la fédération. L’essentiel des 135,9 milliards d’euros de prêts contractés l’ont été entre avril et juillet 2020, a précisé la fédération bancaire.
Report d’un an proposé systématiquement aux entreprises
Il était initialement prévu que les entreprises qui bénéficient de ce prêt garanti n’aient aucun remboursement à effectuer la première année, pour ensuite pouvoir le rembourser dans un délai de cinq ans maximum.
Mais face au prolongement de la crise sanitaire, les banques se sont engagées début janvier à accepter de manière systématique de reporter d’un an supplémentaire le début de remboursement de ces prêts pour les entreprises en faisant la demande. Durant cette année supplémentaire, seuls les intérêts et le coût de la garantie d’État sont alors payés.
Par précaution, la moitié des entreprises a préféré thésauriser
À ce stade, “les entreprises font le choix de la précaution: environ la moitié ont aujourd’hui sur leurs comptes bancaires l’intégralité de leur PGE ; pour autant, la plupart choisissent de rembourser le plus tard possible et 55% optent pour l’année supplémentaire de décalage du remboursement en capital”, explique la FBF.
Pour François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), qui a réagi auprès de l’AFP: “Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras”.
“Une fois qu’on l’a sur son compte bancaire, avant de s’en dessaisir et ne sachant pas trop de quoi sera fait le lendemain, il vaut mieux le garder, ça permet de pallier des aléas de trésorerie dans la vie qui vient”, explique-t-il en ajoutant cependant que certaines entreprises “n’ont pas d’autre choix que de repousser [le remboursement] parce que l’activité n’est pas repartie”.
Les secteurs d’activité particulièrement affectés comme les cafés-hôtels-restaurants ou le commerce font d’ailleurs parti des principaux utilisateurs de PGE, avec respectivement 15% et 22% des bénéficiaires, largement supérieur à leur part dans l’économie en temps normal.
Question stratégique : investir cet argent ou le rembourser ?
Pour Ana Boata, directrice des recherches macroéconomiques d’Euler Hermes, ces PGE non dépensés ont conduit à “un excès de trésorerie” d’environ 100 milliards d’euros, ce qui est une “bonne nouvelle”.
Mais l’enjeu à moyen terme dépendra, selon elle, de leur utilisation: entre investissement, qui générerait de la croissance, ou remboursement des aides passées, cette deuxième hypothèse pouvant aboutir à une situation “pas très soutenable” une fois les dispositifs de soutien supprimés.
Le secteur du voyage “blacklisté” par les banques ?
Si les PGE ont été majoritairement salués, fin février, le secteur du voyage s’est toutefois fait l’écho de difficultés auprès des banques pour obtenir ces prêts garantis jusqu’à 90% par l’État.
“Les banques ont considéré que notre secteur était +blacklisté+, un secteur à risque, donc les banquiers ne proposent plus les prêts garantis d’État qu’ils devraient accepter”, avait alors critiqué M. Mas, président du syndicat représentant les voyagistes français.
“Il n’y a pas de refus généralisé sur un secteur ou l’autre”, a répondu la fédération.
Seules 12% des entreprises comptent rembourser dès 2021
Dans le détail, selon les informations reçues au 26 mars et encore susceptible d’évoluer, environ 12% des entreprises ayant souscrit un PGE prévoient de rembourser dès 2021: 5% devraient l’amortir entre 2022 et 2023, 9% entre 2024 et 2025 et 74% choisissent la durée la plus longue possible pour une fin du prêt en 2026.
Autre dispositif de soutien, les reports d’échéances de crédits professionnels, accordés par les banques dès début mars 2020, d’abord sur des durées jusqu’à 6 mois, ont été étendus jusqu’à 12 mois pour les activités liées au tourisme.
“Plus de 2 millions de crédits professionnels ont ainsi fait l’objet de moratoires, représentant un total d’encours de 254 milliards d’euros à fin juin 2020“, affirme encore la Fédération bancaire française.