C’est un bilan d’étape plutôt favorable qu’a présenté ce mardi le comité de suivi et d’ évaluation des mesures de soutien aux entreprises. Présidé par l’ancien banquier central Benoît Coeuré, il examine l’utilisation des milliards déversés par l’Etat depuis mars 2020 au travers de quatre dispositifs : l’activité partielle, le report de charges et cotisations sociales, le fonds de solidarité et les prêts garantis par l’Etat (PGE).
Principal enseignement : les dispositifs de soutien n’ont pas créé d’effet d’aubaine. Alors que la Cour des comptes a récemment alerté sur le risque d’un cumul des aides permettant aux sociétés de toucher plus que le coût de leur préjudice, il apparaît que les entreprises ne se sont pas ruées vers tous les dispositifs accessibles. Ainsi, seulement 3 % des PME ont eu recours aux quatre dispositifs, tandis que 21 % des entreprises ont cumulé report des charges et activité partielle.
Non-recours aux aides
« L’intensité du recours décroît avec la taille des entreprises, le recours à plusieurs dispositifs n’a pas été systématique et le non-recours semble en première analyse largement volontaire », pointe le comité. Il ressort de l’étude que 10 % des salariés en France travaillent dans une entreprise qui n’a eu recours à aucune aide. Celles qui se sont abstenues sont, pour les deux tiers, des sociétés dans une situation assez favorable (chiffre d’affaires, rentabilité, trésorerie).
Le secteur hébergement-restauration se distingue toutefois : seulement la moitié du non-recours peut être identifiée comme « volontaire ». Les entreprises « zombies », qui ont du mal à couvrir leurs charges financières, et les défaillantes y représentent respectivement 7 % et 10 % du non-recours.
Autre conclusion : les mécanismes mis en place pour répondre aux problématiques de trésorerie ou de solvabilité ont atteint leur but. Les aides ont bénéficié proportionnellement plus aux entreprises déclarant une forte baisse de leur chiffre d’affaires au deuxième trimestre 2020. Quant aux entreprises « zombies » , elles ont profité des mesures à hauteur de leur poids dans l’économie, mais pas au-delà.
Les petites entreprises davantage aidées
Les dispositifs ont été mobilisés plus intensivement par les petites entreprises : les TPE, qui concentrent environ 20 % de l’emploi, sont concernées par 56 % du montant total des contributions sociales reportées, par l’essentiel du fonds de solidarité (qui leur était destiné durant la première vague) et représentent 27 % du montant total de l’activité partielle et un peu moins de 27 % du volume des PGE.
Si l’argent déversé a bien atteint sa cible, il a aussi amorti le choc de solvabilité lié à la crise, souligne Benoît Coeuré. La direction du Trésor a réalisé des simulations qui montrent que la hausse du nombre d’entreprises devenant insolvables (par rapport à une année sans crise) aurait été de 8,3 points de pourcentage sans soutien public, contre 3 points avec ce soutien.
La rentabilité des entreprises est le point le plus inquiétant mis en avant par le comité : avec la crise, sur les trois premiers trimestres de 2020, le taux de marge a baissé de 4 points par rapport à 2019 (de 33 % à 29 %), tandis que l’endettement brut a progressé.
Abandon des créances de l’Etat
La sortie de crise s’annonce donc acrobatique. « L’effet de la crise sur le bilan des entreprises risque de peser sur leur investissement en phase de reprise. Une modélisation économétrique suggère que l’endettement supplémentaire lié à la crise pourrait réduire l’investissement d’environ 2 % à moyen terme, ce qui justifie des mesures spécifiques, comme celles qui ont été prises dans le cadre du plan de relance », indique le Trésor, en référence notamment à la baisse des impôts de production.
Un rebond des défaillances d’entreprises , par effet de rattrapage et en raison de l’impact durable de la crise sur certains secteurs exposés à l’international, est attendu par la plupart des économistes. L’Etat devra peut-être prolonger certains dispositifs et envisager un abandon de ses créances sociales et fiscales, suggère Benoît Coeuré.