«On m’a dit que ma demande d’APL et de Paje (prestation d’accueil du jeune enfant) serait traitée d’ici trois mois», souffle Jérémy, 26 ans. Comme ce père célibataire d’une petite fille, certains allocataires de la CAF (caisse d’allocations familiales) déplorent d’importants délais pour le versement de certaines prestations sociales, APL (aide personnalisée au logement) et RSA (revenu de solidarité active) en particulier.
Selon le directeur général de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), Nicolas Grivel, contacté par Le Figaro, le délai moyen de traitement des dossiers, hors minima sociaux, est actuellement de 16,5 jours au niveau national (14 jours pour les minima sociaux que sont le RSA et l’AAH). «Mais ce délai incorpore des situations très différentes», concède Nicolas Grivel, qui peut varier énormément en fonction de la complexité des dossiers et de la zone géographique. «Dans les métropoles et les agglomérations, les sollicitations sont plus nombreuses, et donc c’est plus souvent dans ces territoires que l’on trouve les situations les plus dégradées», rapporte le directeur général de la CNAF.
Les différentes CAF jouent la transparence et publient sur leur site leurs délais de traitement des dossiers. On remarque ainsi que la CAF de Paris traite en ce moment les mails arrivés entre le 28 février et le 5 mai, les demandes de RSA et d’AAH (allocation adulte handicapé) arrivées entre le 28 mars et le 10 mai, et les autres demandes arrivées… entre le 15 novembre et le 24 décembre 2021, soit il y a entre cinq et six mois. En comparaison, la CAF du Var est en plein traitement des dossiers arrivés simplement depuis le début du mois.
Des bugs informatiques
Ces lenteurs peuvent mettre en difficulté certains allocataires, qui par définition sont des publics dans le besoin. À l’image de Luma, 20 ans, qui va devoir attendre sept semaines pour percevoir le premier versement des APL. «Ce délai va me forcer à réduire au moins de moitié mes dépenses non nécessaires, et à réduire la qualité de mon alimentation», se lamente la jeune habitante de l’Isère. Et si cela ne suffit pas à tenir son budget, elle dit envisager de passer «sur un autre forfait de téléphone moins avantageux pour payer moins cher». Jérémy, lui aussi, explique devoir «faire beaucoup plus attention à (ses) dépenses» en attendant de recevoir les APL et la Paje. «Tous les prix augmentent, c’est dur de m’en sortir», glisse le Vosgien.
Bien que les délais restent «trop longs», admet la CNAF, «la tendance actuelle est très positive», clarifie Nicolas Grivel. «Nous sommes montés à des délais plus longs mi-2021 et début 2022», assure-t-il. Les CAF ont souffert du fort absentéisme des agents lié à la crise du Covid-19, et surtout ont dû encaisser la réforme des APL «en temps réel», entrée en vigueur début 2021, qui a amené son lot de bugs informatiques. «Le taux d’anomalies est retombé à un niveau inférieur à avant la réforme, ce qui contribue à l’amélioration en cours des délais de traitement», se félicite Nicolas Grivel.
Ces difficultés se sont par ailleurs ajoutées à des problèmes soulevés depuis de longs mois déjà par les syndicats, qui touchent les agents des CAF. Ceux-ci pointent la dégradation des conditions de travail, liées aux suppressions de postes, et le manque de reconnaissance salariale. Plusieurs journées de grève, nationales ou au niveau des caisses locales, ont été organisées ces derniers mois pour mettre la lumière sur cette situation. Qui, in fine, se répercute sur les allocataires.