A quelques jours de l’entrée en négociation de la prochaine convention d’assurance-chômage, le Medef aborde l’échéance avec une calculatrice en guise de boussole. Pour l’organisation patronale, la principale pierre d’achoppement repose sur les milliards d’euros que l’Etat entend ponctionner à l’Unédic. Une perspective inscrite dans le document de cadrage envoyé par Matignon le 1er août, à laquelle elle s’oppose, comme tous les partenaires sociaux d’ailleurs .
C’est sur la base de ce texte que patronat et syndicats devront décider ou non d’entrer en négociation avec mi-novembre comme date limite pour conclure. Le gouvernement a mis la barre très haut. Entre ponction sur les recettes pour l’apprentissage (cotisations chômage patronales et CSG) et augmentation de sa contribution au service de l’emploi (Pôle emploi qui deviendra bientôt France travail), ce ne sont pas moins de 12 milliards d’euros qui pourraient être pris au régime d’assurance-chômage entre 2023 et 2026.
« Jamais si loin »
Au sein du Medef, on pointe « une ineptie », « une erreur d’aiguillage », « une mesure à contre-courant », en guise d’euphémisme. Primo, les excédents de l’Unédic doivent servir d’abord et avant tout à dégonfler la dette de 60 milliards du régime, montant constaté fin 2022. Secundo, le cadre financier imposé par Elisabeth Borne remet en cause le paritarisme autonome puisque la gestion de l’Unédic est dans la main des partenaires sociaux depuis 1958.
« Jamais un gouvernement n’est allé aussi loin », déplore un des responsables de l’organisation, rappelant qu’Emmanuel Macron avait déjà fragilisé l’édifice en remplaçant la cotisation chômage salarié par une part de CSG. Décidé à faire entendre sa voix, le Medef a lancé une alternative : puisque excédents il y a, profitons-en pour baisser la cotisation employeur (4,05 % aujourd’hui), a suggéré son nouveau président Patrick Martin, cité par l’AFP.
Effet d’humeur
La suggestion tient avant tout d’un effet d’humeur, en réaction à la décision de Bercy d’étaler la suppression de la CVAE d’ici à 2027 . Elle entre, qui plus est, en contradiction avec l’objectif affiché de désendettement. Elle ne ferait, enfin, que hérisser les syndicats en début de négociation. Il est donc peu probable qu’elle aille très loin, le but étant plutôt de lâcher le moins possible à l’Etat.
L’autre préoccupation patronale a trait au mécanisme de modulation du taux employeur en fonction de son recours aux contrats d’embauche de courte durée. L’organisation patronale a beau dénoncer depuis le début une usine à gaz inefficace et injuste, elle se heurte à un mur : ce « bonus-malus » censé lutter contre la précarité professionnelle a été sanctuarisé par Emmanuel Macron lors de son premier quinquennat.
Terrain conquis
Pour le reste, le Medef aborde la négociation en terrain conquis. Le document de cadrage n’offre en effet que très peu de marges de manoeuvre aux syndicats pour remettre en cause les réformes des règles d’indemnisation engagées depuis 2021 : durcissement des conditions de versement des allocations, dégressivité au bout de six mois, variation de la durée d’indemnisation en fonction de la conjoncture…
Autant de mesures qui siéent bien au patronat. Leur remise en cause serait d’autant plus ardue que le document de cadrage est clair : tout droit nouveau (amélioration du régime des saisonniers par exemple, comme le pousse FO) ne doit pas dégrader la trajectoire prévue des excédents de l’Unédic. En clair, toute nouvelle dépense doit être compensée par une économie…