Bercy veut geler les actifs des narcotrafiquants

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a annoncé un prochain texte législatif pour geler les avoirs financiers des grands trafiquants de drogue. La mesure s'inspire de celle déjà en vigueur pour les terroristes.


Drug, cannabis.French President Francois Hollande and the French Finance Minister Michel Sapin at a press conference after the seizure of 7.1 tons of cannabis through the customs in Paris.Paris, FRACE-18/10/2015/WITT_choixW016/Credit:WITT/SIPA/1510182018

Pour résorber l’explosion des trafics de drogues, avec leur cortège de corruption et de violence, le ministre de l’Economie durcit le ton. « Une modification législative nous permettra dès cette année de geler les avoir des trafiquants de stupéfiants comme nous le faisons déjà pour les terroristes », a annoncé Bruno Le Maire, à l’occasion de ses voeux aux acteurs économiques. « Nous frapperons les trafiquants de stupéfiants au portefeuille, vous pouvez compter sur ma détermination totale ».

Concrètement, le texte de loi permettrait de geler les avoirs financiers des grands trafiquants – notamment leurs avoirs bancaires ou leurs biens immobiliers. « Il s’agit d’entraver la dissémination de l’argent de la drogue ou son utilisation alors que certains narcotrafiquants sont recherchés – en fuite par exemple – ou sur la liste du ministère de l’Intérieur ou des douanes », précise le cabinet du ministre. La décision de geler des avoirs serait alors décidée « en lien avec le ministère de l’Intérieur » et « concernerait principalement les grands trafiquants avec une envergure internationale ».

3 milliards d’euros

Les chiffres des saisies douanières de stupéfiants ne sont pas disponibles pour 2023. Mais elles avaient battu un record en 2022 , avec plus de 157 tonnes interceptées, principalement du cannabis (129 tonnes) et de la cocaïne (28 tonnes). Et tout indique que les trafics prospèrent. « La menace a atteint un niveau historiquement élevé », reconnaissait en décembre dernier Stéphanie Cherbonnier, la patronne de l’Office antistupéfiants (Ofast) – qui estime que 240.000 personnes vivent directement ou indirectement des trafics de drogue en France, dont 21.000 à plein temps.

Avec plus de 5 millions de consommateurs réguliers, le marché français de la drogue générerait 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, selon l’Office français des drogues et toxicomanies (OFDT). Les « narcomicides » s’enchaînent. Selon la police, les règlements de compte liés au narcotrafic avaient fait 315 morts entre janvier et mi-novembre 2023, soit une hausse de 57 % sur un an.

La société gangrenée

Et les affaires matérialisant une emprise croissante de l’industrie sur les institutions se multiplient : conseiller de Paris mis en examen pour trafic de drogues, sénateur accusé d’avoir drogué une députée, maire de Canteleu soupçonnée d’avoir fermé les yeux sur les trafics, condamnation du n° 2 de la PJ de Bordeaux pour complicité… « Le trafic de stupéfiants gangrène la société française tout entière – petite commune comme grande ville, ville moyenne comme petit village », constate Bruno Le Maire.

Pour affronter des criminels de plus en plus puissants et violents, la lutte antidrogue devrait donc se munir d’une arme réservée jusqu’ici aux criminels de guerre internationaux et aux terroristes. Actuellement, plus de 4.600 individus et organisations font l’objet d’une mesure de gel de leurs avoirs financiers par les autorités françaises. Les trois-quarts font l’objet de sanctions européennes, dont presque 2.000 entités au titre de la guerre en Ukraine. Un millier d’autres sont mises à l’index par l’ONU. Seule une cinquantaine est concernée par le dispositif national de gel des avoirs – notamment plusieurs individus condamnés pour terrorisme.


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