Sévèrement critiqué en France, notamment par Les Républicains , le projet de budget pour 2022 recevra un bien meilleur accueil à Bruxelles, où il devrait être notifié vers la mi-octobre. Un déficit juste en dessous de 5 % du PIB et une dette publique qui devrait rester à quelque 114 % du PIB à la fin de l’année prochaine : voilà qui aurait en d’autres temps provoqué des cris d’orfraie à la Commission européenne. Mais la pandémie a provoqué un changement de paradigme.
Les règles du Pacte de croissance et de stabilité sont encore suspendues pour l’an prochain. Aussi bien le commissaire à l’Economie Paolo Gentiloni que la présidente de la Commission Ursula von der Leyen ont souligné ces dernières semaines la nécessité de ne pas casser la reprise et de continuer à investir. Les deux souhaitent ne pas répéter l’erreur du début des années 2010, quand un retour trop rapide à la consolidation budgétaire avait brisé le rebond consécutif à la crise financière.
Changement de ton
Paolo Gentiloni, qui proposera en 2022 une réforme du Pacte de stabilité pour en rendre les critères plus pragmatiques, demande de cibler les soutiens publics sur les secteurs qui en ont encore besoin et les seules entreprises viables, pas des canards boiteux. Mais il y a un assez large consensus sur les besoins d’investissements publics massifs de l’UE pour mener à bien la décarbonation et la digitalisation des économies du continent.
Pour Stéphanie Yon-Courtin, vice-présidente de la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement européen (Renaissance, centriste), « il y a eu un changement de ton. On y trouve aujourd’hui un plus grand esprit de solidarité. La ligne d’opposition nord-sud est minoritaire car chaque pays a été touché ou se sait vulnérable désormais. Il y a consensus sur la nécessité de suspendre les règles du pacte puis de les revoir. »
La peur de l’extrême-droite
Au niveau des Vingt-Sept, c’est un peu différent, rappelle-t-elle : « Il y a huit pays faucons qui veulent réduire autant que possible les changements à apporter au pacte, mais il faut attendre le résultat des élections allemandes et la formation d’un gouvernement à Berlin pour voir où ira leur démarche.» De nombreux indices laissent toutefois penser que personne n’ira chercher des poux dans la tête de Bruno Le Maire à l’Ecofin. La France, qui assurera la présidence de l’UE au premier semestre 2022, sera en année électorale, et un certain nombre de capitales s’inquiètent d’une éventuelle progression de l’extrême-droite dans l’Hexagone.
Pour François-Xavier Bellamy, eurodéputé du groupe PPE (conservateur), les choses pourraient toutefois se compliquer après l’élection présidentielle française : « La Commission n’aura plus de scrupule à contrôler les contreparties prévues dans le plan de relance français. Et je vois d’ores et déjà au Parlement que mes collègues allemands, néerlandais ou autrichiens n’ont aucune intention de laisser les plans de relance devenir des excuses pour des pays du sud dispendieux comme l’Espagne ou la France.»