« C’est un PLF antifraude », a asséné Thomas Cazenave en présentant le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Cinq mois plus tôt, son prédécesseur au ministère du Budget, Gabriel Attal, avait dévoilé un vaste plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques. L’heure est venue d’inscrire ces mesures dans les textes législatifs.
Avec une dizaine d’outils juridiques nouveaux, Bercy espère doter les administrations – fisc, douanes, caisses de Sécurité sociale – de moyens adéquats pour faire la chasse aux fraudeurs. Le gouvernement a particulièrement dans son viseur les multiples fraudes à la TVA – pratiquées notamment par des sites de vente en ligne peu scrupuleux.
Déréférencer les fraudeurs
« Les mesures sont largement insuffisantes, regrette d’ores et déjà Sabine Portela, du syndicat Solidaires Finances Publiques. Et l’on se demande qui va les appliquer vu notre difficulté actuelle à contrôler les fraudes à l’international et vu l’état de nos effectifs. Des milliers de postes ont disparu au seul contrôle fiscal depuis 2018 et de nombreux autres sont vacants ». Bercy a annoncé la création de 1.500 postes au contrôle fiscal et 1.000 autres dans les caisses d’assurance sociale – mais les syndicats pointent qu’il s’agit pour l’essentiel de réaffectations.
Dans le détail, le texte prévoit de pouvoir déréférencer les sites d’e-commerce étrangers en infraction, c’est-à-dire de les rendre introuvables sur les moteurs de recherche depuis la France (à l’image de ce qui se pratique déjà pour d’autres contenus illégaux – piratés, terroristes, pédopornographiques…).
Il modifie aussi les règles de TVA à l’importation pour empêcher la pratique du « dropshipping ». Celle-ci permettait à des vendeurs malins de commercialiser des produits en ligne sans jamais en disposer physiquement, en évitant de s’acquitter de la TVA et en se défaussant sur les acheteurs.
Les particuliers ne sont pas en reste. Pour débusquer les fraudeurs, le PLF prolonge de deux ans la possibilité du fisc d’aller mettre son nez dans les réseaux sociaux et autres plateformes numériques. Il autorise aussi les agents, pour les fraudes les plus graves, à mener des enquêtes sous pseudonyme sur les applis de messagerie et les réseaux sociaux. Les contrevenants verront leur punition alourdie par la privation temporaire du droit à la réduction ou au crédit d’impôt.
Délit de promotion
Par ailleurs, les personnes se contentant de donner de bons tuyaux aux fraudeurs seront également sanctionnées (jusqu’à 5 ans de prison et 500.000 euros d’amende). Pour l’instant, ce « délit de promotion de la fraude » est limité à la sphère fiscale. Mais comme il s’y était engagé après la polémique sucitée par un internaute se prévalant d’obtenir indûment des aides, le gouvernement devrait l’étendre à la promotion de la fraude sociale par amendement, lors du débat parlementaire.
Le budget doit aussi permettre de lutter contre le travail au noir des travailleurs des plateformes Internet. Les chauffeurs, livreurs et autres microentrepreneurs travaillant pour Deliveroo, Uber, etc. ont tendance à ne pas déclarer tout ou partie de leur activité. De quoi créer un manque à gagner pour la Sécurité sociale mais aussi priver ces travailleurs de droits à la retraite ou d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail.
Guichet de régularisation
Pour prévenir l’explosion de cette « bombe sociale », un guichet de régularisation des cotisations des microentrepreneurs doit être mis en place en 2024. Par ailleurs, le budget doit donner plus de moyens aux Urssaf , recouvrant les cotisations sociales, pour identifier les sous-déclarations.