D’ordinaire, le marathon budgétaire débute à l’automne pour s’étaler sur trois mois. Mais avec la crise du Covid-19, tous les calendriers des compétitions sportives sont bouleversés : le début de l’examen du troisième budget rectificatif, ce mardi en commission des Finances de l’Assemblée, donne le départ de cinq semaines d’intense travail pour les parlementaires avant la pause estivale.
Ce projet de loi de Finances rectificative se révèle, avec ses multiples plans d’aides sectoriels, une sorte de première mouture du plan de relance. La chose devrait être renforcée par les amendements que le gouvernement a prévu de déposer la semaine prochaine en séance publique pour instaurer des aides à l’embauche des jeunes et un plan d’aide spécifique pour le petit commerce et l’artisanat.
Amendements en pagaille
L’importance du texte n’a pas échappé aux députés qui veulent peser sur la relance à venir : plus de 1.400 amendements ont été déposés pour l’examen en commission des Finances. Des amendements qui révèlent une partition au sein de la majorité au sujet du « verdissement » du plan de relance. « Le groupe est très divisé entre une grosse moitié qui aimerait conditionner les mesures d’aides à des engagements écologiques, et d’autres qui estiment que ce n’est pas le moment », résume un membre de la majorité. Ce débat intervient alors que le groupe vient de formuler 30 propositions pour « l’après » qui visent à rééquilibrer vers la gauche la politique du gouvernement .
Cheffe de file des partisans du verdissement, Barbara Pompili, présidente de la commission du Développement durable, a réuni près de 80 signatures autour d’un amendement qui vise à conditionner les aides de l’Etat à des objectifs environnementaux. Dans la lignée des propositions du Réseau Action Climat, la députée de la Somme suggère de sanctionner les entreprises à hauteur de 4 % du chiffre d’affaires si elles ne publient pas chaque année un bilan carbone détaillé, ainsi qu’une stratégie pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Si cette trajectoire n’est pas respectée, les entreprises pourraient être contraintes de rembourser les aides d’Etat avec une majoration de 10 %. « C’est un énorme marteau-pilon, reconnaît la députée. Mais il faut aborder cette question dès maintenant, sans attendre le budget 2021 cet automne, car les aides sectorielles prévues dans ce texte dépassent largement les aides d’urgence. » La liste des aides concernées inclut non seulement toutes celles adoptées lors de la crise sanitaire, mais aussi le crédit d’impôt recherche et les participations financières de l’Etat.
« Débats manichéens »
Cette démarche ne convainc pas tout le monde au sein de la majorité. A commencer par le rapporteur du Budget au sein de la commission des Finances, Laurent Saint-Martin. « Est-ce qu’on accepte une reprise plus lente de la compétitivité au profit d’un meilleur respect de l’environnement ? C’est un débat que nous devons avoir. Mais je ne crois pas aux mesures coercitives », explique-t-il, refusant de s’engager dans « un débat manichéen ».
Bénédicte Peyrol, vice-présidente du groupe, se montre, elle aussi, « très prudente sur le timing de ces mesures de conditionnalité et leur périmètre ». « Dans un premier temps, je pense plus utile d’imposer des conditions pour les aides massives comme les prêts garantis d’Etat », estime la députée de l’Allier. En attendant, les députés de la majorité ont créé une mission d’information qui évaluera les moyens de conditionner les aides aux entreprises. Le débat sur le CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi) et le million d’emplois promis a laissé des traces.