Le 30 septembre dernier, le Premier ministre annonçait au « 20 Heures » de TF1 un bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité . Bis repetita, ce jeudi soir. Jean Castex a réédité l’exercice, cette fois, pour rassurer les ménages face à la flambée des prix du carburant, mais aussi face à celle des produits de consommation. Il a annoncé le versement d’une « indemnité inflation » de 100 euros, qui sera versée aux 38 millions de Français gagnant moins de 2.000 euros par mois, entre décembre et février.
Un dispositif beaucoup plus large que prévu, qui ne cible pas les automobilistes, et qui ne sera pas non plus réservé aux seuls actifs. Il bénéficiera ainsi aux salariés du public et du privé (la moitié d’entre eux), aux travailleurs indépendants, aux personnes en recherche d’emploi et aux retraités (qui touchent précisément une pension de moins de 1.943 euros par personne). Il bénéficiera aussi aux personnes en situation de précarité, bénéficiaires du RSA ou de l’Allocation adulte handicapé (AAH). L’aide sera accordée sur une base individuelle, quels que soient les revenus du conjoint.
Précision de @GabrielAttal sur @France2tv ce matin l’indemnité de 100 euros sera touchée aussi par les étudiants boursiers et les étudiants fiscalement autonomes de leurs parents. #PouvoirDAchat #indemniteinflation @LesEchos
— Isabelle Ficek (@IsabelleFicek) October 22, 2021
« On fait face à une situation exceptionnelle, nous devons avoir une réponse exceptionnelle et qui se voit », a justifié le Premier ministre sur TF1. « On fait quelque chose de simple, sans démarche à entreprendre, qui concerne les classes moyennes », a-t-il ajouté, alors que l’exécutif surveille les classes moyennes comme le lait sur le feu à l’approche de l’élection présidentielle .
Concrètement, pour les salariés, l’aide sera versée directement par les employeurs à la fin de l’année. Le coût sera nul pour eux : ils seront compensés presque immédiatement, assure Matignon, par une baisse des cotisations patronales. Les Urssaf, Pôle emploi et les caisses de retraite feront de même pour les autres bénéficiaires de l’indemnité. Les 13 millions de retraités visés – la catégorie qui s’abstient le moins aux élections – recevront l’indemnité avec leur pension de février.
Geste plus large et moins ciblé
Mais il faut dire qu’il y avait urgence. Le litre de gazole a battu son record historique la semaine dernière, à 1,5583 euro, tandis que le prix de l’essence SP-95 a bondi à 1,6567 euro. Par ailleurs, le pouvoir d’achat s’est imposé comme la principale préoccupation du moment. Selon un sondage Elabe publié mercredi, les ménages sont bien plus focalisés sur cette question que sur la sécurité ou l’immigration. Une réalité qui fait resurgir le spectre d’une crise des « Gilets Jaunes », à quelques mois de l’élection présidentielle.
C’est dans ce climat menaçant qu’Emmanuel Macron avait promis, la semaine dernière, « une action de court terme, d’accompagnement des ménages », pour « ne laisser personne dans le désarroi ». L’objectif était d’avoir une aide « simple, lisible, juste, efficace » avait souligné le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, et… rapide. Une gageure alors que l’exécutif est très attendu au tournant par les oppositions et qu’il ne veut surtout pas manquer ses cibles et créer du mécontentement. D’où ce geste finalement beaucoup plus large qu’un seul chèque carburant mais aussi moins ciblé sur les travailleurs qui roulent beaucoup.
Coût pour les finances publiques
Cela a donné lieu à d’intenses discussions au sommet de l’Etat. Ces dernières semaines, Bercy a tout fait pour que l’option fiscale ne soit pas retenue par le gouvernement, la jugeant contraire aux objectifs de transition écologique et beaucoup trop coûteuse pour l’Etat. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, l’a martelé : baisser le prix à la pompe de seulement 1 centime coûterait un demi-milliard d’euros aux finances publiques.
Mais rien ne dit que les appels à réduire la fiscalité sur les carburants vont disparaître : avec une facture composée à 60 % de taxes , les associations de consommateurs sont à l’offensive sur ce sujet. S’agissant des rentrées fiscales supplémentaires provoquées par la flambée des prix des carburants, « tout sera rendu aux Français, voire plus », a insisté Jean Castex.
Prix du gaz gelé jusqu’à fin 2022
Et de fait, le nouveau dispositif, qui va coûter 3,8 milliards d’euros, vient s’ajouter à d’autres mesures prises au cours des dernières semaines. La revalorisation du chèque énergie de 100 euros coûtera 600 millions en 2021. Le blocage des prix du gaz et de l’électricité représentera lui une perte de recettes fiscales (TICFE) évaluée précisément à 5,1 milliards d’euros pour 2022. Et l’addition devrait s’alourdir avec l’annonce de Jean Castex jeudi soir d’ un gel du prix du gaz jusqu’à fin 2022 (et non plus seulement jusqu’à l’été).
Le gouvernement compte sur des crédits non consommés cette année et des recettes fiscales gonflées par la reprise économique pour contenir néanmoins le déficit public à 8,4 % de PIB en 2021, conformément à sa dernière prévision, et 5 % de PIB en 2022.