Au milieu de l’entre-deux-tours, Emmanuel Macron n’y est pas allé par quatre chemins, vendredi matin sur franceinfo, pour qualifier le paquet de rémunération de Carlos Tavares , directeur général du constructeur automobile Stellantis, au titre de 2019. Le président de la République l’a jugé « choquant et excessif », parlant de montant « astronomique » à propos des 19 millions d’euros de gratification prévus pour l’ancien PDG de PSA, qui a fusionné avec FCA début 2021 pour devenir Stellantis. L’enveloppe de rémunération des dirigeants du groupe a été rejetée par 52,12 % des voix des actionnaires , le 13 avril, mais leur vote n’a qu’une valeur consultative.
Emmanuel Macron s’est aussitôt déclaré en faveur de plafonds de rémunération à définir au niveau de l’UE. « Il faut se donner des plafonds et avoir une gouvernance pour notre Europe qui rendent les choses acceptables, sinon la société, à un moment donné, explose. Les gens ne peuvent pas avoir des problèmes de pouvoir d’achat […] et voir ces sommes », a-t-il expliqué à l’antenne, alors que Marine Le Pen, sa rivale au second tour du 24 avril, a beaucoup capitalisé, pendant sa campagne, sur la question du pouvoir d’achat .
On doit pouvoir mettre un plafond, si on le fait au niveau européen, ça peut marcher »
Emmanuel Macron
« On doit pouvoir mettre un plafond, si on le fait au niveau européen, ça peut marcher », a estimé le chef de l’Etat, en rappelant que Stellantis a son siège aux Pays-Bas. Reste à savoir comment s’y prendre. Selon nos informations, de premières réflexions ont été engagées à Paris après une rapide analyse juridique. A priori le gouvernement français privilégierait la même méthode que pour le salaire minimum européen, un texte ambitieux porté par la présidence française de l’UE, qui s’étend jusqu’au 30 juin.
Cette directive, qui est en cours de finalisation entre les Vingt-Sept, le Parlement européen et la Commission, ne vise pas à instaurer un SMIC européen qui s’appliquerait dans tous les Etats. Cela serait contraire aux traités et intenable économiquement. Le texte laisse les coudées franches aux Etats sur la fixation du niveau de salaire minimal qualifié d’« adéquat », avec une obligation d’informer régulièrement la Commission.
Une directive-cadre
Pour plafonner les rémunérations des dirigeants, Bruxelles pourrait proposer une directive-cadre de la même veine, sans plafond chiffré uniforme mais avec une méthode et un objectif de moyens. A la Commission – qui a le monopole de l’initiative législative -, le projet pourrait être confié au Commissaire à la Justice, Didier Reynders, et à Thierry Breton, Commissaire au Marché intérieur. Les deux hommes ont déjà travaillé ensemble sur un projet de directive adopté en février dernier relatif au devoir de vigilance des grandes entreprises sur leur chaîne d’approvisionnement. Leur texte s’est aussi penché sur les bonus des dirigeants exécutifs des entreprises.
Une nouvelle directive sur les rémunérations des patrons des grandes entreprises devrait être approuvée par les Vingt-Sept et les eurodéputés, ce qui prendra au moins 18 mois après l’adoption du projet par la Commission.