Le Code du travail est catégorique . Le congé maladie ne figure pas dans la liste des temps de travail effectif énumérée dans son article L3141-5. Et puisque c’est donc un temps de repos, il ne crée pas de droit à congé payé pour l’année suivante.
A tort, a jugé la Cour administrative d’appel de Versailles dans un arrêt en date du 17 juillet, qui va faire jurisprudence. La raison en est simple : la directive de 2003 sur le temps de travail dit en effet l’inverse du Code du travail alors que les pouvoirs publics sont tenus de mettre en conformité le droit français avec le droit européen. L’Etat se voit donc condamné à verser 10.000 euros plus 1.500 euros aux dépens à chacun des trois syndicats à l’origine de la plainte : la CGT, en première ligne, ainsi que Force ouvrière et Solidaires.
Retour de longue maladie
Cette décision de justice – dont la centrale de Sophie Binet s’est « félicitée » dans un communiqué – est importante, en particulier pour les salariés de retour d’une longue maladie qui se retrouvent aujourd’hui sans congés ou avec des congés raccourcis l’année de leur reprise, à moins que leur convention collective n’en ait décidé autrement. Mais sa portée dépasse ce seul sujet.
L’arrêt vient en effet aussi contredire deux jurisprudences de la Cour de cassation qui vont devoir changer. La première concerne le cas d’un salarié qui tombe malade pendant ses vacances. La Cour de cassation a jugé en 1996 et confirmé régulièrement depuis que ces jours de congé étaient perdus. La seconde concerne les congés parentaux. La plus haute juridiction civile a considéré en 2004 que les droits à congé qu’un salarié a acquis avant de s’arrêter pour s’occuper de ses enfants étaient perdus. Lorsqu’il reprend le travail, il se trouve donc dans la même situation que s’il était nouvellement embauché.
Quatre et non cinq semaines
Mais si l’arrêt du 17 juillet vient remettre en cause les règles applicables aux congés payés, cela ne veut pas dire qu’elles vont changer automatiquement. D’abord, il faut préciser que la référence européenne en matière de congés payés est de quatre semaines et non cinq comme en France, et que c’est sur cette base réduite que doivent être calculés les droits des salariés en cas de congé maladie et autres en application de la directive.
Ensuite, la situation n’est pas la même selon que l’employeur est public ou privé. Pour les fonctionnaires, la jurisprudence sera bien d’application directe, ce qui veut dire que le fonctionnaire pourra exiger de son employeur le respect de la directive de 2003. Et aller devant la justice administrative s’il ne le fait pas. Pour les salariés du privé, tant que le Code du travail n’aura pas été réécrit, la démarche sera plus complexe.
Se retourner contre l’Etat
Toute entreprise a l’obligation d’appliquer le Code de travail, pas le droit européen qui n’est pas d’application directe. Le salarié devra donc se retourner contre l’Etat pour le mettre en demeure de lui verser des dommages et intérêts pour mauvaise transposition d’une directive, soit la rémunération correspondant aux jours de congé. En cas de refus, il lui faudra aller devant la justice administrative en référé.
Le ministère du Travail a bien conscience du problème. Le sujet n’est pas nouveau. En 2013 déjà, la Cour de cassation le pointait et conseillait une modification législative du Code du travail « afin d’éviter […] des actions en responsabilité contre l’Etat », rappelle la CGT.
Qui souligne aussi que devant la Cour administrative d’appel de Versailles, l’Etat n’a produit « aucune observation visant à se défendre, sachant le combat judiciaire perdu d’avance ». Mais pour l’heure, l’exécutif reste silencieux sur ses intentions. La CGT a l’intention de pousser le sujet au Parlement dès que l’occasion s’en présentera.