La consigne des bouteilles en plastique est décidément un sujet hautement politique. Quatre mois après le lancement de la concertation par la secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Bérangère Couillard, rien n’a réellement avancé. Les études réclamées à l’Ademe pour éclairer le débat n’ont toujours pas été publiées.
La décision politique, espérée avant l’été, est finalement annoncée pour l’automne, « certainement en septembre », affirme-t-on au ministère de la Transition écologique. Elle « est reportée après les sénatoriales du 24 septembre… » souffle un partisan de la consigne. Selon une autre source, certains miseraient aussi sur un remaniement ministériel cet été, et un départ potentiel du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, réputé à l’écoute des collectivités territoriales.
Bataille d’arguments
Dans le contexte politique actuel, mieux vaut sans doute pour le moment éviter les sujets qui fâchent les élus locaux (les grands électeurs aux sénatoriales sont à 95 % des conseillers municipaux). Or la consigne des bouteilles en plastique en fait clairement partie.
Quel que soit leur bord politique, ils sont en effet vent debout contre ce qu’ils appellent la « fausse consigne » (car les bouteilles consignées ne seraient pas réutilisées, mais recyclées). Mi-avril, ils avaient réuni la presse pour dérouler leurs arguments : le coût du système ou encore le risque de déséquilibrer les finances de leurs centres de tri. « Il s’agit de ne pas déstabiliser le service public de collecte et de tri des déchets », insiste Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce.
A l’inverse, l’argument principal des partisans de la consigne s’appuie sur les objectifs européens d’un taux de collecte des bouteilles en plastique de 77 % en 2025 et de 90 % en 2029, alors qu’il n’était que de 61 % en France en 2021. « La consigne est le seul moyen d’atteindre cet objectif », insiste Hélène Courades, directrice générale de Boissons rafraîchissantes de France, qui représentent les géants de la boisson.
Les projections dévoilées il y a quelques jours par l’éco-organisme Citeo, qui pousse également pour la consigne, vont aussi dans ce sens.
Les collectivités contestent toutefois ces conclusions. « Nous avons travaillé pendant six mois sur un plan alternatif permettant d’atteindre l’objectif : par exemple, améliorer la collecte hors foyer ou rendre obligatoire le geste de tri à domicile », explique Nicolas Garnier.
Les arguments des élus ne sont pas que financiers : ils doutent aussi que la consigne permette de diviser par deux le nombre de bouteilles produites d’ici à 2030, comme le prévoit la loi antigaspillage.
Enjeux de la pollution plastique
Ils ont d’ailleurs été rejoints dans leur combat par des associations de consommateurs (Que Choisir) et des ONG, comme Zero Waste. L’Allemagne est souvent citée comme un modèle du genre, avec sa consigne et son taux de collecte de 98 %. « Mais en Allemagne le nombre de bouteilles utilisées n’a pas diminué ! » relève Charlotte Soulary, chez Zero Waste France.
Selon eux, la consigne ne répond pas aux enjeux de la pollution plastique. « Nous avons passé des heures en consultation sur ce sujet des bouteilles, alors qu’il est marginal : on parle d’une collecte de 100.000 tonnes supplémentaires de bouteilles, or les déchets plastiques représentent 5 millions de tonnes en France », déplore aussi Nicolas Garnier.
Dans le camp « pro-consigne », on regrette vivement la « posture » des élus locaux. « Il serait tout à fait possible de trouver un nouvel équilibre financier au système. Mais la discussion sur le fond n’a pas eu lieu », dit l’un d’eux.
Le gouvernement va devoir trancher entre ces deux visions tranchées. La présentation des études de l’Ademe, qui devraient permettre d’objectiver le débat, était prévue pour le 15 juin mais a été reportée. Selon le ministère, elle aura lieu lors de la réunion de clôture de la concertation menée par Bérangère Couillard. Une réunion prévue le 19 juin, après avoir elle-même été décalée à deux reprises « pour des raisons d’agenda ».