A quelle vitesse les Français vont-ils se remettre à consommer ? Jusqu’à présent, les ménages ont été relativement épargnés par la crise. C’est l’Etat, via une hausse sans précédent de l’endettement, qui a absorbé les conséquences du confinement de l’économie pour endiguer l’épidémie de Covid-19 en mettant en place le dispositif de chômage partiel et de couverture d’une partie de la perte de revenu des indépendants.
Selon les calculs de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), pour l’économie française, la perte de revenu au cours des seize semaines entre le 17 mars, c’est-à-dire le début du confinement, et le 5 juillet, attendrait près 165 milliards d’euros. La majeure partie de cette perte est absorbée par l’Etat, à hauteur de 96 milliards d’euros, les entreprises prenant 54 milliards d’euros à leur compte et les ménages, « seulement » 14 milliards d’euros.
500 euros par ménage
Cela représente tout de même en moyenne une perte de 500 euros par ménage. Mais celle-ci a été plus que compensée par la baisse de la consommation, les Français n’ayant pu dépenser l’intégralité de leurs revenus puisque les magasins étaient fermés. Ainsi, selon l’OFCE, les Français auraient épargné 75 milliards d’euros entre le 17 mars et le 5 juillet, dont 55 milliards pendant les deux mois de confinement.
En moyenne, les 10 % de ménages les plus aisés devraient voir leur épargne grimper de 4.000 euros pendant ces seize semaines malgré la baisse de leurs revenus. Et ils concentreraient 15 % du surcroît d’épargne de tous les Français, c’est-à-dire 11 milliards d’euros. C’est en partie la façon dont sera dépensé cet argent qui définira le rythme de la reprise. Pour Xavier Timbeau, économiste à l’OFCE, « si l’intégralité de l’épargne forcée était dépensée, la perte d’activité liée aux seize semaines de confinement et de déconfinement serait réduite de moitié ».
Pour l’instant, les signaux sont plutôt positifs. Pour le Boston Consulting Group, « la France, dont l’économie a chuté le plus brutalement à l’échelle mondiale du fait de la sévérité de son confinement, est le pays d’Europe dont la reprise d’activité est la plus forte ». Et l’OFCE estime qu’au mois de juin, la consommation des ménages devrait poursuivre sa normalisation mais resterait inférieure de 5 % à son niveau d’avant-crise. Si ce chiffre peut paraître relativement faible au premier abord, il est en fait très important puisque la consommation des ménages compte pour plus de la moitié du PIB français.
« Phénoménal »
Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, a estimé en fin de semaine dernière que, bien que le pire de la crise soit passé, il faudra du temps pour que ce bond « phénoménal » de l’épargne se répercute sur des investissements et des dépenses plus élevés. C’est aussi ce que craignent les économistes de l’OFCE, pour qui « une part significative des 75 milliards d’euros d’épargne accumulée du 17 mars au 5 juillet pourrait ne pas être consommée à court terme ». L’autre grande question, c’est que, comme le dit Xavier Timbeau, « la dépense de cette épargne forcée peut induire des bascules sectorielles ».
En clair, les Français, empêchés d’aller au restaurant pendant le confinement, pourraient acheter de l’électronique grand public, des voitures ou des vêtements. Des produits pas toujours fabriqués en France. Selon l’Insee, 36 % seulement des biens manufacturés achetés par les Français sont « made in France » . Alors que les services, eux, le sont à plus de 85 %. Or, le coronavirus a d’abord affecté les entreprises de services, comme la restauration, l’hébergement ou encore le tourisme. Pour l’économie hexagonale, il ne faudrait pas que ce surcroît d’épargne creuse trop le déficit commercial, déjà abyssal, de la France.