Vérité au-delà de l’Atlantique, erreur en deçà. Alors qu’aux Etats-Unis, Donald Trump a raflé plus de 90 % du stock de remdesivir pour soigner les malades du coronavirus dans son pays, affichant sa foi dans le remède, l’accueil est bien plus mitigé en France. D’ailleurs, l’antiviral du laboratoire américain Gilead ne sera finalement pas pris en charge dans l’Hexagone pour les formes sévères de Covid-19. Le fabricant a décidé de retirer sa demande d’accès au remboursement, a annoncé ce jeudi la Haute Autorité de santé.
« La HAS prend acte du retrait du laboratoire, avant même son audition et en dépit d’un avis favorable à l’inscription au remboursement dans certaines indications », écrit la Haute Autorité dans un communiqué. Gilead a apparemment décidé de faire marche arrière après avoir pris connaissance du projet d’avis de la commission de la transparence de la HAS, qui a évalué le médicament cet été. Le traitement est facturé 2.081 euros dans les pays développés, un prix assez élevé.
« Il est à noter que, bien que le remdesivir soit éligible à une évaluation économique, la commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) a été dans l’incapacité d’évaluer son efficience dans l’indication revendiquée car le laboratoire n’a pas fourni de données », ajoute la HAS. La question du rapport coût/bénéfice n’aura donc pas de réponse dans l’immédiat.
Néanmoins, les patients français pourront continuer à être traités par remdesivir – à l’instar de Silvio Berlusconi, qui vient de sortir de l’hôpital en Italie. La Commission européenne a en effet acheté un stock de remedesivir, qu’elle livre aux pays les plus touchés par l’épidémie, à titre gratuit. La France en a reçu des milliers de flacons depuis cet été, soit bien plus que la centaine de cas traités dans le cadre de l’autorisation temporaire d’utilisation accordée le 2 juillet.
Pas d’effet global sur la mortalité à 14 jours
Le remdesivir, initialement conçu pour lutter contre Ebola, a reçu une autorisation de mise sur le marché conditionnelle en Europe début juillet, deux mois après l’autorisation sur le marché américain, pour les formes sévères de Covid-19. Or la HAS juge que dans les cas les plus graves, c’est-à-dire une pneumonie nécessitant de l’oxygène à haut débit, de l’oxygène plus de la ventilation, une oxygénation par membrane extracorporelle, « aucun bénéfice clinique » n’a été « suggéré ».
Seul cas qui pourrait justifier l’accès au remboursement : les patients âgés de 12 ans ou plus et pesant au moins 40 kilos, recevant de l’oxygène à faible débit. « Le service médical rendu est jugé faible », écrit la HAS, qui évoque « une réduction globale de 4 jours du délai de rétablissement clinique du patient (11 jours au lieu de 15) par rapport au placebo ». « Le remdesivir ne montre pas à ce stade d’effet global sur la mortalité à 14 jours », poursuit-elle.
« La HAS fait son travail comme s’il s’agissait d’un médicament classique, alors que le remdesivir a été développé en urgence en cinq mois. Il est impossible de monter un dossier médico-économique complet si rapidement », plaide Michel Joly, le président de Gilead France. « Nous avons fixé le prix pour qu’il soit inférieur à quatre jours d’hospitalisation : notre traitement a donc déjà démontré son efficacité pour le système de santé », argue-t-il. Quelque 1.500 lits hospitaliers auraient été libérés en France si l’usage du remdesivir avait été généralisé au début de l’épidémie, a calculé Gilead.
Sur le terrain, les médecins hospitaliers ont eu de plus en plus recours aux corticoïdes , répandus et peu coûteux, après avoir constaté une amélioration de l’état de santé de leurs patients. L’Organisation mondiale de la santé et le Haut Conseil pour la santé publique le recommandent. En revanche, aucun antiviral n’a encore fait ses preuves.