L’utilisation du dispositif d’activité partielle est massive en France, mais elle est un peu moins importante que les premiers chiffres ne le laissaient croire. Le nombre de salariés ayant été au chômage partiel au cours du mois d’avril est estimé par le ministère du Travail à 8,6 millions. Ils ont chômé 832 millions d’heures, soit 2,8 semaines par salarié en moyenne (sur la base de 35 heures). C’est deux fois plus que durant la deuxième quinzaine de mars.
Ce chiffre doit être comparé aux 11,3 millions de salariés pour lesquels les entreprises avaient déposé des demandes d’autorisation préalable auprès de l’administration, à la fin avril. Dans les faits, 75 % de ces demandes se sont réellement traduites par une activité partielle. Et pour cause : nombre d’entreprises font des demandes très larges, sans forcément tout utiliser. Cette dernière semaine, les demandes d’activité partielle ont atteint 5,4 milliards d’heures chômées. Ce qui représente 12 % de toutes les heures travaillées en France au cours de l’année 2019. Cela donne une idée du choc économique, absorbé en grande partie par les finances publiques jusqu’ici.
Protéger les emplois et les revenus
En avril, un tiers des salariés français ont donc bénéficié du dispositif d’activité partielle. Un ratio énorme. Dans une étude, les économistes de S&P Global estiment que, dans les cinq plus grandes économies européennes, 27 % de la population active est actuellement en chômage partiel. « Les dispositifs déployés ont clairement contribué à protéger les emplois et les revenus des ménages », notent les économistes de l’agence de notation. L’activité partielle devrait soutenir la consommation durant le déconfinement , ouvrant ainsi la voie à une reprise plus rapide. Mais, préviennent les économistes, « la suppression progressive de ces dispositifs ne se fera pas sans peine », particulièrement dans les secteurs les plus touchés par le choc du Covid-19, comme le tourisme, la restauration, le transport aérien et l’industrie aéronautique.
C’est en substance le message qu’a fait passer François Asselin, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) lors d’une audition à l’Assemblée nationale ce mercredi. « On est tout à fait conscients que l’on ne peut pas demander au pays de porter ad vitam aeternam une grande partie des salariés du secteur marchand », a-t-il reconnu. Mais, alors que le gouvernement réfléchit à rendre dégressive l’indemnisation de l’activité partielle pour la rendre un peu plus coûteuse pour salariés et employeurs, et les inciter à la reprise du travail, le responsable patronal a mis en garde les députés : « Si on est moins remboursé, il y aura des licenciements économiques. »
La vague arrive
La dégradation du marché du travail a déjà commencé. Le mois dernier, le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois hors intérim a chuté de 65 % en raison de la crise sanitaire et du confinement , a indiqué ce mercredi l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Les entreprises ayant réduit leurs effectifs représentent 13 % des salariés fin avril après 11 % fin mars. C’est bien moins qu’aux Etats-Unis, où 33 millions d’Américains ont perdu leur emploi depuis mars et où la Réserve fédérale table sur un taux de chômage de 20 % cet été. Mais la vague arrive, même en France.