Covid : Bercy renonce à freiner la hausse de l’endettement en 2021 pour aider les entreprises

Le budget 2021 revient ce lundi à l'Assemblée nationale. L'exécutif revoit ses prévisions budgétaires, avec un endettement record à 122,4 %, bien au-dessus du niveau attendu cette année alors que l'objectif initial était de commencer la stabilisation dès 2021. 20 milliards supplémentaires vont être dégagés pour les entreprises.


French Economy and Finance Minister Bruno Le Maire delivers a speech at the start of the debate on the 2021 State budget bill at the National Assembly in Paris, on October 12, 2020. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)

Les règles sanitaires sont de plus en plus strictes, les règles budgétaires de moins en moins. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 revient ce lundi à l’Assemblée nationale en vue de son adoption définitive en fin de semaine, lesté d’une dette bien plus considérable par rapport à son premier passage en octobre. La deuxième vague pandémique et le déconfinement plus long à se mettre en place que prévu ont radicalement changé l’équation économique du gouvernement : celui-ci prévoit désormais un déficit de 8,5 % de PIB l’an prochain (quand la prévision de l’automne était à 6,7 %).

Surtout, il a abandonné l’espoir de contenir la dette en dessous de son niveau déjà record de 2020 (119,8 % au dernier pointage), ce qui était pourtant son objectif initial en septembre : celle-ci est désormais attendue au nouveau niveau record de 122,4 % du PIB l’an prochain, si bien que sa stabilisation est donc renvoyée à plus tard .

L’exécutif a, il est vrai, de nouveau ouvert grand les vannes budgétaires pour soutenir notamment les entreprises : Bruno Le Maire a annoncé vendredi un effort supplémentaire d’environ 20 milliards d’euros pour 2021. Sur cette somme, « seulement » 8 milliards seront des crédits nouveaux, alors qu’une partie proviendra de crédits prévus pour 2020 (fonds de solidarité, chômage partiel, exonération de charges) qui n’ont finalement pas été consommés. « Il n’est pas temps de lever les mesures de soutien à l’économie, c’est un choix politique fait en coordination étroite avec nos partenaires européens », a plaidé le ministre de l’Economie et des Finances.

Politiquement, le message peut toutefois paraître contradictoire avec les signaux envoyés depuis quelques semaines par Bercy qui a notamment installé une commission d’experts pour poser les jalons de la fin du « quoi qu’il en coûte ». « Les chiffres sont impressionnants, mais si nous n’agissons pas, la dégradation économique sera plus forte et in fine la dette plus lourde encore », justifie Alexandre Holroyd, le coordinateur de LREM en commission des Finances de l’Assemblée.

Choix à faire

L’argumentaire est loin de convaincre les oppositions. A gauche, on pointe un exécutif qui navigue à vue. « Si la BCE n’était pas là, nous serions déjà en cessation de paiement. Au-delà, il faudrait lancer un débat sur le financement et la gestion de la dette. En Allemagne, le ministre des Finances Olaf Scholz dit vouloir augmenter les impôts des plus riches, et Kamala Harris aux Etats-Unis parle de taxer les ménages au-dessus de 400.000 dollars. Nous, on ne débat de rien de tout cela et l’exécutif installe un comité Théodule pour renvoyer le problème », critique Valérie Rabault, la présidente du groupe socialiste.

A droite, Eric Woerth (LR), président de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, estime que les nouvelles mesures d’urgence « auraient pu être financées différemment qu’en rajoutant 8 milliards supplémentaires ». « Pourquoi ne pas avoir pris cette enveloppe sur les crédits dévolus à la relance ? Deux milliards pour l’hydrogène, c’est bien, mais on peut peut-être faire avec moins l’an prochain. L’honneur du politique est d’arbitrer, et pas d’empiler les dépenses », estime le député.

Côté gouvernement, on est pourtant bien décidé à dépenser « en même temps » pour la relance et le soutien d’urgence à l’économie. Sur ce dernier volet, Bercy se veut prévoyant : les montants annoncés doivent permettre au fonds de solidarité – désormais recentré sur les secteurs les plus sinistrés (restaurants, tourisme, culture, évènementiel, etc.) – de durer jusqu’à l’été 2021 au besoin, avec 7 milliards d’euros de crédits. Pour le chômage partiel (dont la prise en charge à 100 % a été prolongée pour début 2021), ce sont 5 milliards d’euros supplémentaires qui ont été prévus pour l’an prochain.

Détricotage

A côté de cette boîte à outils utilisée depuis le début de la crise économique liée au Covid-19, Bercy veut également faire voter cette semaine toute une série de mesures additionnelles pour tenir compte des effets du deuxième confinement : cela va des compensations pour l’arrêt des remontées mécaniques des stations de ski (400 millions) à des aides pour les aéroports en difficulté (250 millions), en passant par des moyens pour l’aide alimentaire (120 millions) ou des aides pour la culture et La Poste. Par ailleurs, 200 millions d’euros ont été alloués au nouveau volet du plan jeunes. « C’est bien insuffisant. C’est un sujet grave, les jeunes sont les sacrifiés du plan de relance », critique Valérie Rabault.

Pour le reste, une grande partie du travail de la semaine consistera pour la majorité à détricoter ce que le Sénat avait ajouté au texte. La mesure autour du taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation – dénoncée par la Fédération française du bâtiment comme une façon d’exclure certains travaux – paraît en sursis. En revanche l’extension du plafond à 1.000 euros jusqu’à la fin 2021 pour la niche fiscale « Coluche » – pour le don aux associations caritatives – devrait être maintenue par les députés.


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