Covid: ces salariés de «deuxième ligne» précaires, mal payés et sans perspective de carrière

Une étude du ministère du Travail dresse le portrait de des salariés - et surtout salariées - de la deuxième ligne qui ont continué à travailler lors du premier confinement et sont particulièrement exposés au risque de contamination par le Covid.


Ils ont longtemps été invisibles, comme ceux et celles – souvent -qui nettoient les bureaux quand les salariés qui les occupent sont rentrés chez eux ou pas encore arrivés au travail. L’épidémie de Covid a mis un coup de projecteur sur les 4,6 millions de salariés dits de «deuxième ligne» – ces agents d’entretien, donc, mais aussi ces boulangers, caissiers, magasiniers, aides à domicile, maraîchers, ouvriers de l’agro-alimentaire ou du bâtiment.

Ils et elles ont continué à travailler pendant le premier confinement en étant particulièrement exposés au risque de contamination. Mais si les soignants, en première ligne, ont bénéficier un train de mesures dans le cadre du «Ségur de la santé» l’été dernier, avec à la clé des revalorisations salariales et de carrière, ces travailleur de deuxième ligne attendent toujours la concrétisation de la promesse faite dès le printemps 2020 par le gouvernement de les prendre mieux en compte

Confirmation en chiffres

Il y a en tout cas de quoi faire. Les travaux que viennent de publier conjointement la direction de la recherche du ministère du Travail (DARES) et le Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) viennent le confirmer en chiffres. Pour divers qu’ils soient, les 17 métiers dit de la «deuxième ligne» identifiés par la mission Erhel – Moreau-Follenfant à la demande du gouvernement n’ont pas seulement en commun leur exposition particulière au risque Covid. Elles ont toutes des conditions d’emploi et de travail «nettement moins favorables que celles de la moyenne des salariés du privé», constatent la DARES et le CEET.

Leurs rémunérations sont ainsi inférieures à celles de l’ensemble des salariés d’environ 30 %, évalue l’étude, qui a travaillé sur les données de 2019. Elles sont tirées vers le bas par le poids des bas salaires (inférieurs à 1 246 euros net): 18 % soit 1,5 fois plus que pour l’ensemble des salariés du privé, avec une proportion qui atteint même 43 % pour les aides à domicile. Cette dernière donnée est symptomatique d’un autre constat plus global: celui d’une concentration de l’emploi féminin dans les métiers mal rémunérés de la «deuxième ligne».

Précarité

L’étude montre également que ces travailleurs ont moins accès à la formation, ont moins de perspectives de carrière et de progression salariale que les autres, avec un écart de salaire mensuel net avec la moyenne des salariés du privé de 17 % entre 25 et 29 ans et de 37 %, soit plus du double, entre 55 et 59 ans.

Les «deuxième ligne» sont en outre plus exposés à la précarité. Le temps partiel, parfois très court, est plus fréquent (excepté pour les conducteurs), les horaires atypiques aussi. Et le risque de chômage est plus élevé. À un horizon de cinq ans (entre 2010 et 2015), la probabilité de perdre son emploi est de 10,9 %, contre 6,8 % pour l’ensemble du salariat, ce qui en fait une population particulièrement exposée à la récente réforme de l’assurance-chômage .

Une satisfaction néanmoins comparable

Les travailleurs de la «deuxième ligne» connaissent par ailleurs globalement des conditions de travail plus difficiles que les autres, ce qui leur fait d’ailleurs appréhender de devoir continuer à exercer leur métier jusqu’à la retraite. En 2019, ils ont ainsi déclaré deux fois plus souvent que les autres avoir eu un ou plusieurs accidents au travail dans les 12 derniers mois.

Reste que «malgré ces contraintes physiques fortes et ce déficit de ressources, le niveau de satisfaction des salariés de la «deuxième ligne» est comparable à celui de l’ensemble des salariés du privé (indice de 6,7, contre 6,9, sur une échelle de 1 à 10), même s’il est très faible pour certains métiers comme les ouvriers non qualifiés des industries agro-alimentaires», note l’étude. Et ils ont à peine moins que la moyenne «le sentiment de recevoir le respect et l’estime mérités au vu des efforts fournis (66 %, contre 70 %)».


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