Pour un peu, la Cour des comptes donnerait presque l’impression de se plaindre qu’on ait beaucoup moins dépensé que prévu. Dans son rapport publié mardi sur le budget 2020 de l’Etat , la Cour critique la façon dont Bercy a piloté le « quoi qu’il en coûte » et épingle un « manque de réalisme des prévisions budgétaires ». En cause : des aides aux entreprises dont l’exécutif aurait exagéré les montants pour rassurer politiquement les Français, oubliant au passage les règles usuelles de prudence budgétaire.
Bien sûr, Bercy pourra arguer que l’exercice 2020 s’est révélé hors norme pour les comptes publics. D’abord par la profusion de budgets rectificatifs qui ont été nécessaires pour s’adapter à la crise sanitaire : il a en a fallu quatre, ce qui n’était arrivé que cinq fois sous la Ve République auparavant (en 1969, année de départ du général de Gaulle ; en 1975, après le choc pétrolier ; en 1981, après l’élection de François Mitterrand ; et en 2009 et 2010, avec la crise financière). Il fallait bien cela pour amortir le choc : la Cour estime que le coût de la crise est de 92,7 milliards d’euros pour l’Etat, si l’on agrège dépenses supplémentaires et recettes évaporées.
Différence massive
Mais ce coût aurait dû être bien plus élevé, si le dernier budget rectificatif voté en novembre s’était révélé exact. Celui-ci avait anticipé plus de 80 milliards d’aides aux entreprises , alors que la facture finale s’est établie à un peu moins de 50 milliards. Une différence de 37 % ! « Les montants de crédits ouverts dans la quatrième loi de finances rectificative dépassaient les prévisions de dépenses qui pouvaient raisonnablement découler des informations disponibles en novembre », critiquent les magistrats financiers, qui jugent cette pratique peu raisonnable. Elle a en effet entraîné des importants reports de crédits en 2021, au risque de la « confusion des exercices budgétaires ».
La critique vaut également pour les recettes, sous-estimées dans les budgets rectificatifs, même si l’ordre de grandeur est moins important que pour les dépenses. En clair, la Cour aimerait que le « quoi qu’il en coûte » n’entraîne pas une surenchère dans les chiffres massifs.
Il reste à voir si l’exécutif retiendra la leçon. Dans le programme de stabilité qu’il s’apprête à envoyer à Bruxelles , Bercy actualise le coût de la crise sanitaire pour l’ensemble des comptes publics (en ajoutant la Sécurité sociale et les collectivités locales à l’Etat). Dans une interview au « Figaro », Olivier Dussopt, le ministre aux Comptes publics, parle ainsi d’un coût total de 424 milliards d’euros entre 2020 et 2022. Le chiffre serait de 158 milliards en 2020 (en cumulant dépenses et pertes de recettes), de 171 milliards cette année (avec les mesures de relance) et, enfin, de 96 milliards en 2022.