Crédit immobilier : les autorités gravent les nouvelles contraintes dans le marbre

Ce qui n'était jusque-là qu'une recommandation deviendra obligatoire à partir du 1 er janvier prochain : dans une décision très attendue, le Haut conseil de stabilité financière a annoncé, mardi, rendre contraignantes les règles encadrant depuis l'an dernier le crédit immobilier. En cas de manquement, le gendarme bancaire pourra infliger des sanctions.


Le couperet est tombé. Dans une décision très attendue, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) a annoncé, mardi, qu’il rendait contraignant ce qui n’était jusque-là qu’une recommandation faite aux banques : limiter à 25 ans la durée des prêts immobiliers, et limiter à 35 % la part des revenus consacrée au remboursement du crédit et au paiement de l’assurance-emprunteur (taux d’effort). Les banques peuvent déroger à ces règles pour 20 % de leur production.

« Le Haut conseil a adopté une décision juridiquement contraignante », a ainsi précisé l’institution présidée par le ministre des Finances et à laquelle siège le Gouverneur de la Banque de France. L’ACPR – le gendarme bancaire français – sera chargée de vérifier la bonne mise en oeuvre de cette norme qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022. Et le cas échéant pourra infliger des blâmes, voire des sanctions pécuniaires, dont le HCSF n’a pas précisé les montants.

« Normalisation des conditions d’octroi »

« Nous allons transformer ces recommandations en règles, avait prévenu le matin même sur France 2 le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Mais ce ne sont pas des règles de restriction : le crédit immobilier continue à progresser fortement à plus de 6 %, et l’accès des ménages y compris les plus modestes est garanti. Ce sont des règles de protection. »

Alors que le marché reste très dynamique, les banques – tout comme les courtiers en crédit – craignaient de voir une telle contrainte entraver la distribution de crédit . « La FBF prend note des conclusions du HCSF et de l’entrée en vigueur de ces normes », a sobrement réagi la Fédération bancaire française.

« Dans les faits, la grande majorité des banques, et nous en faisons partie, appliquons les règles d’ores et déjà. Il faut dire que le superviseur français a mis une vraie pression sur l’ensemble des banques, pour que ces critères du Haut conseil de stabilité financière soient respectés », anticipait déjà mardi matin sur BFM Business Daniel Baal, le directeur général de Crédit Mutuel Alliance Fédérale.

Pour appuyer sa décision, le HCSF devait en effet tirer le bilan de sa recommandation publiée fin 2019, et assouplie un an plus tard. « Les données montrent une normalisation des conditions d’octroi depuis sa mise en place », s’est-il félicité. Ainsi, la part de prêts « non conformes » (prêts trop longs, ou conduisant à un endettement trop fort) a diminué de 48,3 % à… 20,9 % au dernier pointage, soit un chiffre proche de la marge de flexibilité de 20 % laissée aux banques.

Pour rentrer dans les clous, le secteur a toutefois bénéficié d’un aménagement de la norme début 2021 : notamment, le « taux d’effort » maximum recommandé est alors passé de 33 % à 35 % des revenus des emprunteurs.

Si la méthode douce (la simple recommandation) a fonctionné, comment expliquer que les autorités aient finalement opté pour la méthode dure (une mesure contraignante) ? Il s’agissait, selon un proche du HCSF, d’une question de concurrence entre banques, l’idée étant que toutes les banques respectent bien toutes les mêmes contraintes. L’ensemble des banques « convergent » vers le respect des normes, estime cette même source, et devraient toutes être à la cible d’ici à la fin de l’année.

Ménages modestes et investisseurs

Reste que cette mesure posera encore quelques questions dans la durée : les ménages modestes , sans apport initial, pourraient-ils pâtir de ce cadre ? Pas forcément, estime le HCSF : les ménages les plus modestes (ayant moins de 20.000 euros de revenus annuels) constituent une part stable de 10 % de la production de crédit (par le nombre de dossiers) depuis deux ans. La tranche suivante de revenus (entre 20 et 40.000 euros) tend en revanche à se contracter.

Autre point d’attention : les revenus locatifs sont désormais intégrés différemment dans le taux d’effort et de façon moins favorable. Auparavant déduits de la mensualité de crédit (qui s’en retrouvait fortement diminuée), depuis quelques mois ils sont uniquement ajoutés aux revenus, la mensualité de crédit pesant par conséquent davantage sur l’endettement. « La part des financements accordés à des investisseurs locatifs a encore reculé cette année sous l’effet de la recommandation », estime Sandrine Allonier, directrice des études de Vousfinancer.

Enfin, les normes du HCSF s’entendent dans le climat actuel, avec des taux d’emprunt historiquement faibles. Mais les contraintes seraient plus difficiles à respecter en cas de remontée des taux. « Le HCSF a montré son adaptabilité aux circonstances économiques », indique un proche de l’institution, suggérant que la norme pourrait si nécessaire être ajustée. Tout en précisant que l’intention du HCSF de limiter la part de ménages trop endettés reste, elle, « permanente ».


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