Dialogue social : passe d’armes sur le bilan des ordonnances travail de Macron

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, affirme que la mise en place des CSE a appauvri la négociation et les moyens des représentants du personnel. Constat faible et contradictoire, défend l'ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, Antoine Foucher.


Les ordonnances travail de 2017 ont-elles plombé ou favorisé le dialogue social en entreprise ? Mi-décembre, un rapport d’étape du comité d’évaluation de la première réforme d’ampleur du quinquennat avait pointé une inquiétude particulière liée à la mise en place des comités sociaux et économiques, les CSE. Vendredi, la CFDT a enfoncé le clou, bien décidée à enclencher un droit de suite ce lundi lors d’une réunion au ministère du Travail avec les autres partenaires sociaux.

« La réforme de 2017 a fait une confiance aveugle aux employeurs pour concrétiser les objectifs affichés par les ordonnances tout en leur donnant les moyens d’y échapper. Cet ”en même temps” a fait une victime : la qualité du dialogue social », a déclaré son secrétaire général, Laurent Berger, lors d’une conférence de presse . Pour rappel, les CSE se sont substitués aux anciens CE, CHSCT et délégués du personnel.

Elus du personnel exsangues

Exemples de Marionnaud, IBM et Carrefour à l’appui, la centrale syndicale estime que la réforme se heurte à un déficit de moyens des élus pour mener correctement leurs missions, d’autant qu’il leur faut manier à la fois les questions économiques, sociales, de santé au travail, ou d’environnement. Résultat, des CSE fleuves, très souvent chambres d’enregistrement des décisions de l’employeur. Les suppléants, qui plus est, sont largués sur les dossiers faute de pouvoir assister aux réunions. Sans omettre les délégués de proximité quasi disparus du paysage…

« Les ordonnances devaient être le grand chantier de la rénovation du dialogue social. La cible a été ratée », a résumé Laurent Berger, mettant sur la table une dizaine de propositions pour corriger les défauts « structurels » de la réforme, même s’il s’agit avant tout de prendre date pour l’après-présidentielle.

Ne mâchant pas ses mots également, l’ex-directeur de cabinet de l’ex-ministre du Travail Muriel Pénicaud, estime que ce constat est « faible et contradictoire ». Pour Antoine Foucher, « la CFDT estime que le volet dialogue social des ordonnances a échoué par manque de moyens des élus. Elle confond moyens et résultats et passe à côté du sujet, comme si résoudre la crise de la démocratie politique passait par plus de députés ».

Pas touche au cadre

Même si, reconnaît-il, une partie du patronat n’a pas joué le jeu, l’instauration des CSE a mis fin à un dialogue social éclaté, procédurier, et redonné la primauté du fond sur la forme. Non seulement les entreprises négocient plus, mais en plus elles négocient sur des champs sensibles où elles ne s’aventuraient pas.

En témoigne le nombre d’accords dans les entreprises de moins de 50 salariés, passés de moins de 4.000 à près de 12.000. Ou encore celui des accords de performance collective, 887 à fin novembre. « Qu’aurait été la gestion du Covid sans les CSE ? On aurait collectivement perdu du temps à faire deux fois la même chose au CHSCT et au CE, sans aucun gain pour la santé des salariés », assure Antoine Foucher.

A ses yeux, il n’y a donc pas lieu de toucher au cadre fixé, mais plutôt de donner du grain à moudre aux CSE pour démontrer que le dialogue social peut faire avancer les choses. Le prochain gouvernement, suggère-t-il, pourrait ainsi inciter les entreprises à négocier sur le partage de la valeur ajoutée en rajoutant le paramètre inflation parmi ceux prévus par la loi, compte tenu sa forte poussée.


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