Dividendes : face à la crise du Covid-19, des grandes entreprises suspendent les versements aux actionnaires

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a appelé à la modération quant aux versements des dividendes pour les grandes entreprises qui bénéficieraient d'aides publiques en cette période de crise sanitaire. Les firmes réagissent différemment, sans règles contraignantes.


Verser des dividendes ou ne pas en verser? En pleine épidémie du Covid-19, la question se pose dans les grandes entreprises. Elle sont d’une part soumises à la pression des pouvoirs publics et de l’opinion, au nom de la solidarité nationale, mais cherchent surtout à limiter l’impact de la crise sanitaire sur leurs finances. Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, a appelé à la modération sur le versement des dividendes pour les entreprises qui bénéficient des dispositifs de chômage partiel.

En revanche, pour celles bénéficiant de reports de charges ou de prêts garantis par l’Etat, le versement des dividendes sera assorti d’une sanction : rembourser cette avance de trésorerie sur les charges sociales et fiscales avec une pénalité d’intérêt.

Qu’est ce qu’un dividende?

Le dividende est une part des bénéfices nets d’une société qui est versée aux actionnaires, à la fin de chaque exercice comptable (période délimitée par l’entreprise), selon un montant voté en assemblée générale. En 2019, les entreprises du CAC40 (les principaux groupes français cotés) ont versé plus de 49 milliards d’euros à leurs actionnaires , un record.

Des consignes de la BCE

Certaines entreprises, détenues en partie par l’Etat, ont déjà annoncé qu’elles renonçaient à cette rétribution des actionnaires. Airbus a suspendu le versement de 1,4 milliards d’euros de dividendes pour l’exercice 2019, tout comme Safran (un milliard d’euros). Engie, pressée par les syndicats, a choisi d’annuler les dividendes de 2019, s’engageant à un versement à l’avenir.  

Du côté des banques, la pression vient de plus haut. La Banque centrale européenne, dès le 27 mars, a demandé aux établissements bancaires de la zone euro de ne pas verser de dividendes ni de racheter d’actions propres pour l’année 2019 et 2020, jusqu’au 1er octobre 2020. Objectif : absorber les pertes et permettre aux entreprises et particuliers d’emprunter.

Les banques ont donc suivi le mouvement : la BNP Paribas a renoncé au versement de 3,9 milliards de dividendes (la moitié de son résultat de l’année 2019), pour les mettre en réserve. Les consignes de la BCE ont été suivies par la Société Générale, tout en annonçant une enveloppe de 50 millions d’euros pour faire face à la crise, le Crédit Agricole ou encore Naxatis.

Les entreprises privées en ordre dispersé

L’Afep, organisme regroupant 113 entreprises privées françaises, soit 78% de la capitalisation boursière du pays, a appelé ses membres à diminuer de 20% les dividendes à payer en 2020 s’ils ont recours au chômage partiel. Et d’appliquer les consignes de Bruno Le Maire pour les entreprises bénéficiant d’autres aides de l’Etat. Il est également suggéré aux aux dirigeants de diminuer d’un quart leur rémunération globale le temps du chômage partiel de leurs salariés, afin d’alimenter “des actions de solidarité nationale en relation avec le Covid-19”.

D’autres entreprises privées telles que Auchan Holding, Autogrill ou JC Decaux ont choisi de supprimer le versement de dividendes. Mais l’objectif affiché par le géant des panneaux d’affichage n’est pas de participer à un fonds de solidarité mais d’assurer la pérennité de l’entreprise : “renforcer notre liquidité et améliorer notre flexibilité financière”, précise le communiqué.

Certaines ont opté pour une réduction de la somme à verser aux actionnaires. Veolia divise son dividende par deux, Bic limitera le sien à 1 euro par action. Michelin choisit de le ramener de 3,85 euros à 2 euros. Enfin, plusieurs ont refusé de renoncer aux dividendes comme Publicis ou encore le groupe franco-italien STMicroelectronics. 

Refus des aides de l’Etat

Des grands groupes entretiennent le flou sur la question. Elles ont refusé les aides publiques pour se libérer des conditions posées par Bercy et organiser une solidarité individuelle. Chanel, Danone ou encore Hermès ont annoncé qu’elles ne demanderaient ni aides, ni chômage partiel tout en garantissant salaires et emplois de leurs collaborateurs. Mais rien sur les versements de dividendes. 

Au contraire, le groupe de luxe Hermès propose de baisser son dividende de 5 à 4,55 euros. Tout en faisant un don de 20 millions d’euros pour les Hôpitaux de Paris et en renonçant à la hausse de la rémunération des gérants du groupe.

Le groupe Total a également choisi de ne pas bénéficier d’aides de l’Etat, et a distribué 1,8 milliards de dividendes ce mercredi aux actionnaires, selon le site Les Jours. Au sein du groupe le versement des dividendes est initialement prévu en quatre fois, il s’agit là du troisième versement. En parallèle, le géant pétrolier a annoncé 50 millions d’euros de bons d’essence à destination des soignants. 

Une action en justice pour contraindre

La CGT et certaines ONG comme Oxfam ou Greenpeace réclament la suspension immédiate des dividendes dans un communiqué commun, tout comme la CFDT qui exige de son côté “une année blanche”, en 2020. Le PS et le Parti communiste ont également déposé des propositions de loi en ce sens. 

Le cabinet MySmartCab, connu pour ses actions collectives contre les compteurs Linky ou Le levothyrox, a entamé une action juridique jeudi, jusqu’au 7 avril, pour exiger le gel des dividendes mais également une contribution à un fonds de solidarité envers les petites et moyennes entreprises. Ils déposeront un référé liberté devant le Conseil d’Etat pour contraindre le gouvernement à la réglementation sur le sujet.


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