C’est une première. La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) vient d’autoriser l’ouverture d’un entrepôt de données de santé opéré par un consortium public-privé et non par une administration publique. De tels outils de collecte et d’analyse des informations des patients seront indispensables pour relever les défis de la médecine « guidée par les données » et d’une plus grande pertinence des soins, à l’heure où la France cherche à rattraper son retard dans le numérique en santé .
Cette nouvelle plateforme, Agoria Santé, a été pensée depuis trois ans par le laboratoire pharmaceutique AstraZeneca et par la filiale de La Poste Docaposte, qui veulent ouvrir leur consortium à tous types d’acteurs intéressés : établissements de santé, industriels, cliniciens…
Elle se donne pour objectif de collecter les données de santé « en vie réelle » : par exemple, les données des essais cliniques menés sur les humains s’agissant d’un nouveau médicament ou bien les remontées automatisées des données des pacemakers ou des tensiomètres.
Le bénéfice des médicaments
AstraZeneca compte verser dans le système les informations de suivi des patients qui se verront prescrire trois de ses médicaments (contre la maladie rénale, le cancer du sein, le Covid), introduits en France via la nouvelle procédure de l’« accès précoce ».
« Le législateur a souhaité que l’on utilise mieux les données générées en vie réelle, rappelle Olivier Nataf, président d’AstraZeneca France. « Avec Agoria Santé, les autorités sanitaires pourront voir quels algorithmes et quelles données nous utilisons, ce qui donnera une plus grande légitimité à nos études sur les bénéfices des médicaments en vie réelle. »
Cette avancée pourrait faire progresser l’analyse médico-économique dans son ensemble – et donc, spéculent les industriels du médicament, favoriser l’investissement onéreux dans des traitements qui ne seront rentables pour la Sécurité sociale qu’à long terme.
Sécurité et confidentialité
Au sein de cet entrepôt, la collecte est soumise au consentement du patient, puis la donnée anonymisée est stockée en France chez un hébergeur « souverain » (La Poste). Les apporteurs de données peuvent en offrir l’accès à leurs partenaires, puisqu’il s’agit d’un projet de mutualisation. Mais elles sont à consommer sur place, et non à emporter, pour des raisons de sécurité et de confidentialité.
« Docaposte agit comme un tiers de confiance pour Agoria Santé, qui a d’ailleurs créé un comité scientifique et éthique pour donner tous les gages », explique Olivier Vallet, PDG de la filiale de La Poste.
L’attrait de la plateforme, pour les chercheurs comme pour les entreprises, résidera aussi dans un accès plus fluide au système national des données de santé (SNDS), qui est aujourd’hui extrêmement verrouillé pour des raisons de sécurité. « Nous allons pouvoir chaîner les données déposées dans Agoria Santé avec celles du SNDS, qui est la plus grande base de données médico-administratives mondiale », se réjouit-il.
Le trésor national de données de santé
En effet, le poids de l’Assurance-maladie obligatoire dans le remboursement des soins, le codage des actes et des produits de santé, ont permis de constituer un trésor national de données, que la Cour des Comptes a jugé sous-exploité .
Il ne s’agit pas de brûler les étapes : soumettre une demande d’accès aux bases du SNDS peut prendre douze à dix-huit mois, vu les vérifications à accomplir. En revanche, une fois le « tuyau » branché, les jeux de données pourront être disponibles en temps réel. « Ça va nous permettre d’accélérer, et c’est également ce que souhaitent les autorités de santé », commente Olivier Nataf.