Le 30 juin, pour la première fois, un élu de La France insoumise (LFI) accédait au poste stratégique de président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Dans la foulée, le parti de Jean-Luc Mélenchon enregistrait une autre petite victoire : obtenir qu’une mission d’information sur l’évasion fiscale soit confiée à sa députée de Moselle, Charlotte Leduc.
« Pendant cinq ans, on va avoir un commissaire qui va travailler sur l’évasion fiscale avec les moyens de l’administration », s’est réjoui Eric Coquerel, qui préside la fameuse commission chargée du contrôle budgétaire. « Ce sera intéressant parce que cela permettra de faire un travail sur le fond et suivi ; il y aura un rapport chaque année », a promis l’élu.
Contrôle fiscal
Après deux mois de travail, Charlotte Leduc va donc présenter son premier rapport ce mercredi. S’il ne contient pas de révélation détonante, il porte un message sans ambiguïté : la lutte contre l’évasion fiscale n’est pas suffisamment efficace, selon la rapporteure LFI. « On récupère 15 milliards sur 80 à 120, c’est-à-dire entre 12,5 et 18,75 % du total de l’évasion fiscale », déplore-t-elle sur Twitter, même si les estimations sont sujettes à caution, comme elle le reconnaît d’ailleurs.
Parmi les principales raisons invoquées : le manque de moyens humains au sein de la Direction générale des finances publiques (DGFIP). « Les effectifs du contrôle fiscal ont diminué de plus de 4.000 personnes depuis 2010 dont 1.600 depuis 2017 », épingle le rapport, déjà mis en ligne, tout en rappelant que de nouvelles coupes sont prévues dans le budget pour 2023.
« Ces baisses ont un réel effet sur l’efficacité du contrôle fiscal dont le rendement chute sur longue période avec moins de 16 milliards récupérés chaque année depuis 2019 », poursuit la rapporteure, en se référant aux montants de droits et pénalités notifiés (non pas encaissés). En septembre, l’organisation syndicale majoritaire Solidaires Finances publiques pointait aussi l’importance du contrôle humain, alors que l’intelligence artificielle, désormais utilisée dans 44 % des contrôles fiscaux, ne compte que pour 8,9 % des rentrées fiscales.
Charlotte Leduc préconise donc un moratoire sur les suppressions de postes dans le contrôle fiscal, et l’embauche de 4.000 agents d’ici à 2027, comme le promettait d’ailleurs Jean-Luc Mélenchon durant la présidentielle.
Liste noire de pays
Autre cible de la rapporteure : la loi Essoc , adoptée en 2018 dans le but d’apaiser les relations entre le fisc et les contribuables (particuliers et entreprises), qui promeut une « logique préventive et partenariale » (droit à l’erreur, rescrit, limitation de la durée du contrôle fiscal, etc). Dans la même veine, l’élue critique la logique de transactions – celles des conventions judiciaires d’intérêt publiques notamment -, même si cela entraîne une hausse des recettes encaissées par l’Etat.
Parmi les autres pistes suggérées, un impôt universel à 25 % pour les multinationales françaises, qui figurait aussi dans le programme présidentiel du leader de LFI Jean-Luc Mélenchon. La députée propose par ailleurs d’élargir la liste noire française des paradis fiscaux aux pays dont les taux d’impôt sur les sociétés sont à 0 % ou à ceux qui n’ont pas de registres de bénéficiaires effectifs.
Elle suggère de déroger à la grille salariale de la fonction publique pour recruter des experts des schémas de fraude et d’optimisation agressive, ou même de faire sauter le plafond de rémunération fixé à 1 million d’euros pour les « aviseurs fiscaux » , ces « indics » qui dénoncent des fraudeurs.