Avec près de 10 milliards d’euros de dépenses remboursables, dont 7,5 milliards pour le régime général, l’Assurance-maladie a intérêt à regarder de près son budget « infirmiers libéraux » – même si en ce moment, la priorité du gouvernement est plutôt d’éviter que leur pouvoir d’achat ne s’écroule du fait de la hausse du prix des carburants .
Dans le cadre des enquêtes approfondies demandées par la Cour des comptes, elle vient justement d’évaluer pour la première fois le montant de la fraude au remboursement de soins infirmiers en ville. Le préjudice financier est assez élevé, compris entre 5 % et 6,9 % des versements, soit 375 à 515 millions d’euros au régime général.
La plupart du temps, ce sont des infirmiers qui facturent trop cher à la Sécurité sociale, sans respecter la nomenclature des actes ou en gonflant leurs indemnités kilométriques (62 % des dossiers de griefs, 39 % du préjudice financier total), voire qui facturent des prestations qui n’existent pas, ou les re-facturent plusieurs fois (22 % des dossiers, 38 % du préjudice). Il peut également y avoir de la fraude à la prescription et plus rarement une forme d’exercice illégal de la médecine.
Pas une surprise totale pour l’Assurance-maladie
En 2015, la Cour des comptes avait pointé l’inégale répartition sur le territoire des infirmiers libéraux, avec dans certaines zones du Sud une « surdensité » directement corrélée à l’augmentation de la dépense de soins. La concurrence plus vive pourrait également inciter à facturer plus souvent hors des clous.
En tout cas, ce pourcentage élevé de fraudes n’est pas une surprise totale pour l’Assurance-maladie. Elle a peu d’inspecteurs sur le terrain pour superviser l’ensemble des professionnels de santé, dont 99.000 infirmiers libéraux. Elle tente de compenser ces faibles effectifs par un recours accru au traitement automatisé de ses données avec de l’intelligence artificielle.
La prévention par l’exemple
D’ailleurs, les montants de fraude ont été reconstitués à partir d’un échantillon de seulement 3.624 dossiers inspectés en 2018. Parmi eux, 1.370 présentaient des irrégularités, soit 38 %. Ce pourcentage ne traduit pas directement l’ampleur de la fraude, mais plutôt l’efficacité du ciblage des contrôles, selon l’Assurance-maladie. Sur cette base, elle a dû procéder à de savants calculs pour estimer le taux de fraude réel.
Face à ce phénomène difficile à quantifier et à réprimer, l’Assurance-maladie veut agir en amont. Tous les infirmiers qui s’installent en libéral font désormais l’objet d’un contrôle à blanc, une forme de répétition générale, avant de subir un contrôle réel huit mois plus tard.