Garantie des salaires : graves dysfonctionnements à l’AGS, selon l’Unédic

Rompant le silence dans un dossier très complexe, l'Unédic a fait état « de graves manquements aux règles et aux procédures internes en vigueur » au sein de l'AGS, l'association patronale qui prend en charge les salaires des entreprises défaillantes.


Affaire AGS suite. Après la CPME qui a claqué la porte du conseil d’administration de l’association patronale qui prend en charge les salaires des entreprises défaillantes, c’est au tour de l’Unédic de rompre le silence dans un dossier complexe qui met en émoi les organisations d’employeurs s’agissant d’une entité essentielle au fonctionnement de l’économie.

Désireux de mettre fin à des « amalgames », l’Unédic a annoncé jeudi soir que des audits internes non encore terminés ont révélé « un certain nombre de dysfonctionnements dans la gestion et de manquements aux procédures internes » au sein de la direction nationale de la DUA, l’entité opérationnelle de l’AGS, historiquement logée au sein de l’association qui gère le régime d’assurance-chômage.

Mesures conservatoires

En attendant les rapports définitifs, « les mesures conservatoires nécessaires ont été prises ». Le communiqué de presse ne précise pas lesquelles. L’une d’entre elles concernerait la directrice nationale de la DUA, Houria Aouimeur, qui a été convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire, affirme-t-on de sources concordantes. Contactée ce jeudi matin par « Les Echos », l’intéressée a indiqué « n’avoir encore rien reçu en ce sens à ce jour ».

Les choses seraient banales s’il s’agissait d’une entreprise « lambda ». Ce n’est pas le cas de l’AGS, qui a versé 1,2 milliard d’euros l’année dernière, soit 300 millions de plus en un an. L’augmentation du nombre de défaillances de grosses entreprises dans le commerce notamment présage d’une année 2023 encore chargée.

Audit externe

Pour mémoire, Houria Aouimeur a été nommée en 2019 pour nettoyer les pratiques de l’ancienne direction de la DUA en matière de recours à des prestataires de services (avocats principalement), ce qui a entraîné à l’époque le dépôt d’une première plainte par l’AGS, l’Unédic, le Medef et la CPME. L’autre partie du travail, la plus importante, a porté sur les versements des fonds et surtout leur récupération auprès des administrateurs et liquidateurs judiciaires. Une deuxième plainte s’en est suivie quelques mois plus tard en 2019, portée par l’AGS et l’Unédic, confiée depuis au juge d’instruction Vincent Lemonier .

De l’avis général, le nettoyage a été bien fait par Houria Aouimeur et ses équipes. Mais les choses se sont envenimées en juin dernier. Dans le cadre d’un plan décidé fin 2021 par ses instances de gouvernance, l’Unédic a lancé cinq audits auprès de ses opérateurs (Pôle emploi par exemple), ainsi qu’un audit interne. « Interne, c’est clair, ça signifiait DUA incluse puisqu’il s’agit d’un établissement de l’Unédic », rappelle-t-on de source proche du dossier.

Les premiers éléments qui remontent, sur des notes de frais notamment, éveillent les soupçons de train de vie trop généreux de la nouvelle direction, et surtout en contradiction avec les procédures internes. Cet audit interne « n’a pas pu être mené à son terme sur la totalité de son périmètre, en particulier du fait d’un manque de collaboration pour la conduite de la mission », confirme l’Unédic.

Le bras de fer qui se serait instauré entre Houria Aouimeur et la Direction générale de l’Unédic pousse cette dernière à engager une mission de contrôle externe, auprès de PWC selon nos informations, pour confirmer ou non les « constats préliminaires ». « De premiers éléments de l’audit externe ont été remis à la direction de l’Unédic le 31 janvier, confirmant l’existence de graves manquements aux règles et aux procédures internes en vigueur », poursuit l’Unédic. Ils seront d’ailleurs présentés ce lundi lors d’un conseil d’administration extraordinaire de l’AGS .

Faits accablants

Se retranchant derrière la législation, l’Unédic ne détaille pas la nature des manquements mais visiblement cela dépasse le problème des notes de frais dispendieuses. « Si ce n’était que cela, le problème aurait été réglé en famille. Ce qui est épinglé est accablant. L’Unédic ne peut pas rester sans réagir s’agissant en plus d’un organisme de protection sociale », affirme sous couvert d’anonymat une source ayant connaissance de l’audit.

Dans l’entourage d’Houria Aouimeur, on dénonce depuis une campagne de harcèlement moral et physique, qui l’a amenée à déposer plainte et à saisir le Défenseur des droits. Tout cela serait motivé par la volonté de l’Unédic et du Medef d’empêcher la justice de démontrer les soupçons de détournement de certains administrateurs et liquidateurs judiciaires.

Pas de lien avec les instructions

Démentant cet argument, l’Unédic a tenu à rappeler que l’audit « qui relève d’un exercice interne classique, n’a aucun lien avec l’affaire en cours d’instruction depuis plusieurs années […] L’Unédic et l’AGS ont été entendues par le juge en octobre dernier et apportent leur pleine coopération en qualité de victimes des agissements en cause. »

En réaction, les avocats de la Directrice nationale de la DUA et de son équipe, Maîtres William Bourdon et Jérôme Karsenti, ont regretté « tant sur la description des procédures utilisées que sur le fond, le caractère tantôt inexact, tantôt mensonger des assertions émises ». « Ce communiqué, comme les travaux auxquels il se réfère, n’a d’autre objet que de nuire et porter atteinte à l’intégrité et la probité des équipes au service du seul régime AGS », ont-ils ajouté.

De son côté, le Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ) a réfuté les accusations de remboursement de l’AGS avec retard ou de gonflement de leurs frais pendant des années.


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